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"Bientôt la figuration, ça n'existera plus" : des comédiens "scannés" sur des tournages de film craignent pour leur futurhttps://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/bientot-la-figuration-ca-n-existera-plus-des-comediens-scannes-sur-des-tournages-de-film-craignent-pour-leur-futur_6132291.html

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"Bientôt la figuration, ça n'existera plus" : des comédiens "scannés" sur des tournages de film craignent pour leur futur

Article rédigé par Marion Bothorel Publié le 25/10/2023 05:55

Un fond vert, une myriade de clichés... La duplication 3D se répand de plus en plus sur les plateaux de cinéma. Des comédiens s'inquiètent ainsi d'être "utilisés sans le savoir" et de participer au crépuscule de leur profession, déjà menacée par l'avènement de l'intelligence artificielle.

Il est près de 2 heures du matin en cette fin août. Accoutré en bourgeois du XIXe siècle, Lucien participe au tournage du Comte de Monte-Cristo*, la prochaine superproduction de Pathé, tirée de l'œuvre d'Alexandre Dumas. Après plus de quatre heures de tournage, le groupe de figurants dont fait il fait partie peut faire une pause. Le comédien, somnolent, est approché par un photographe. Habitué des séances en costume, Lucien se prête au jeu. Cette fois, il est tenu d'afficher une mine neutre, devant un écran vert.

"Des stickers avaient été collés, il me les indiquait en me disant : 'Regarde ce point-là'. Il m'a aussi demandé de lever les bras."

Lucien, figurant

Ces poses sont suffisamment inédites pour pousser Lucien à questionner le photographe : "Il me répond que c'est pour faire des doubles numériques, pour les effets spéciaux. Je demande si c'est bien pour ce film. Il m'assure que oui." Mais Lucien craint d'être "utilisé sans le savoir" et que sa "copie 3D" se retrouve dans d'autres films. Selon lui, une dizaine d'autres figurants se sont prêtés à l'exercice, sans avoir été informés de "l'utilisation véritable de ces images".

"Suivez-nous au scan !"

Astrid raconte avoir vécu la même scène sur le tournage d'un biopic du général de Gaulle, également produit par Pathé. Après une journée de travail de quatorze heures sous la pluie, les décors commencent à être démontés quand les figurants sont informés qu'il leur reste des "choses à faire". On leur désigne "une petite tente blanche avec un appareil photo, derrière lequel est tendu un écran vert", raconte l'actrice. D'après elle, les responsables sur place "faisaient très attention à ce que tout le monde y passe".*

La comédienne consent mais s'étonne d'être photographiée debout, les bras écartés à l'horizontale. "Au sol, il y avait une croix et on devait pivoter autour à 360°, le visage fixe, les pieds écartés", observe cette ex-graphiste en reconversion.

"Quand on demandait à quoi ça allait servir, les chargés de figuration nous répondaient que c'était pour créer une plus grosse foule. Mais il fallait aller les voir et leur demander."

Astrid, actrice

L'actrice a ensuite exigé que ces images soient effacées. "Je me disais : 'Maintenant qu'ils m'ont créée en 3D, ils vont pouvoir me mettre absolument partout'", explique-t-elle. Près de deux mois après le tournage, elle n'a toujours pas reçu de garantie de la production. Pathé confirme que des scans ont bien été réalisés lors des tournages de De Gaulle et du Comte de Monte-Cristo afin "de faire de la multiplication de foule", sans préciser combien de figurants ont ainsi été numérisés.

Sur une autre production, Olivier a lui aussi été "scanné" sans en avoir été informé au préalable. Pour les besoins d'une série diffusée par une plateforme américaine, il est convoqué, en septembre 2022, à un "essayage d'époque". Il doit être habillé, maquillé et coiffé dans les conditions requises pour le tournage. "Ils m'ont dit : 'Suivez-nous au scan'. Quatre ou cinq figurants attendaient déjà dans cette salle plongée dans le noir. Deux techniciens américains nous ont ensuite placés à tour de rôle sur une croix et 250 appareils photos nous ont flashé simultanément, bras baissés, puis levés pendant 30 secondes, avant qu'on soit remerciés", se souvient-il. Sur le moment, Olivier n'a rien dit, mais avec une année de recul, il juge l'absence de transparence *"pr*oblématique".

"Il n'y a aucune communication"

L'absence de "transparence", c'est également ce qui frappe Nathalie de Médrano, membre de l'Association des chargés de figuration et de distribution artistique (ACFDA). Cette professionnelle dont le travail consiste à recruter des figurants assure avoir été contactée dès le "mois de juin" par des "figurants qui avaient été scannés". En quatre mois, l'ACFDA a récolté une douzaine de témoignages similaires à ceux de Lucien, Astrid et Olivier. *"*Ce qui me frappe le plus dans cette histoire, c'est qu'il n'y a aucune communication de la part des productions. Elles présentent cela comme quelque chose d'acquis, de normal et de naturel", poursuit-elle.

La production du Comte de Monte-Christo a justement utilisé cet argument pour répondre à Lucien, qui demandait la suppression des images. "La prise de photographies devant un fond vert, tel que cela a été fait avec vous, est un procédé de VFX [effets spéciaux] très usuel dans la préparation et le tournage de films", lui expose l'un des producteurs dans un e-mail que franceinfo a pu consulter. "Ces photographies sont effectuées dans l'unique but de créer des effets visuels pour augmenter les effets de foules en arrière-plan des scènes du film (...)*, dans lesquelles aucun visage n'est utilisé ni reconnaissable à l'écran."*

"Cela fait des années que ce procédé est utilisé."

Un producteur

"*Il y a beaucoup de films où ça se fait"*, confirme Antoine Moulineau, superviseur des effets visuels, dont la société Light intervient notamment sur le prochain Napoléon de Ridley Scott. Lui-même utilise cette technique "au moins depuis 1999". En capturant les silhouettes de 300 figurants, la société d'Antoine Moulineau "peut en faire 50 000", assure-t-il. Ce spécialiste des effets spéciaux confirme, en revanche, qu'il est possible que ces doublures numériques puissent servir dans d'autres films, comme le redoutent les figurants interrogés par franceinfo. Dans ce cas, les acteurs auraient beaucoup de mal à se reconnaître à l'écran, selon lui, car les visages sont peu identifiables et les vêtements sont "échangés" d'une silhouette à l'autre afin "d'apporter de la variation" dans la foule.

Un membre de la production chez Pathé admet "qu'il faut [être] plus transparents sur la manière dont sont utilisées et stockées ces images et prouver qu'elles serviront uniquement dans la séquence à laquelle les figurants ont participé, qu'elles ne seront pas réutilisées autrement". Antoine Moulineau tient à rassurer les figurants : "Jamais, il n'a été question de faire une doublure d'un acteur à partir de ces photos-là [prises devant un fond vert] pour lui faire jouer n'importe quoi. On n'en est quasiment pas capables aujourd'hui."

"C'est une manière de faire des économies"

Le milieu du cinéma s'inquiète néanmoins de la généralisation de ces pratiques. Elles ont même été au cœur de la grève des scénaristes et acteurs américains à Hollywood. Le SAG-Aftra, le syndicat de ces derniers, s'est opposé mi-juillet à une proposition faite par les producteurs. D'après Duncan Crabtree-Ireland, son directeur exécutif, cité par le magazine People, ceux-ci voulaient que "les figurants puissent être scannés, qu'ils soient payés pour la journée, puis que leur image appartienne aux sociétés de production et qu'elles puissent l'utiliser pour toujours pour n'importe quel projet, sans consentement et sans compensation". De fait, Astrid a touché la même somme que pour une journée de tournage classique : 180 euros net. "C'est une manière pour [les producteurs] de faire des économies", abonde Olivier.

"Pour la scène où ils m'ont scanné, ils avaient besoin de 3 000 figurants. Alors soit ils en embauchent autant, soient ils me paient double ou triple."

Olivier, comédien

Sans intervention des syndicats, ces figurants restent silencieux, de peur de "se cramer". Mais au-delà de la rémunération, se pose également la question légale du traitement de l'image des figurants, qui entre dans la catégorie "des données sensibles", analyse Mathilde Croze. Cette avocate spécialisée dans les nouvelles technologies rappelle que les données à caractère personnel doivent être "traitées de façon proportionnelle" par les producteurs. "Pendant combien de temps ces images sont-elles stockées ? Pour quelles finalités, où et comment ?" s'interroge-t-elle. Et de critiquer "une méconnaissance totale du droit". Rien ne répond à ces questions dans les contrats de figurants consultés par franceinfo.

"Tout le monde navigue en eaux troubles. Personne ne sait vraiment à quoi vont servir [ces images]. Mais au cas où, les productions les ont en stock."

Mathilde Croze, avocate

Les figurants sont tenus de signer des autorisations d'exploitation de leur image, y compris pour "tous modes et procédés connus ou inconnus à ce jour", selon la formule consacrée. "Tout le monde reconnaît que c'est une question qui doit être traitée, réglementée", s'émeut Jimmy Shuman, conseiller national du Syndicat français des artistes interprètes, affilié à la CGT. Lui se mobilise pour que les figurants puissent "ajouter une ligne dans leur contrat afin d'éviter une utilisation de leur image au-delà de leur rôle dans tel ou tel film".

"On aura toujours besoin de figurants"

De son côté, Pathé assure réfléchir "à comment mieux formaliser les choses pour qu'il n'y ait plus de doutes" quant à la finalité des images et ce, dès l'embauche du figurant "en amont du tournage". Après avoir participé à plusieurs piquets de grève à Los Angeles, aux côtés de ses homologues du SAG-Aftra, Jimmy Shuman invoque une urgence à agir, en évoquant pêle-mêle les figurants virtuels et les "deepfakes" d'acteurs générés par l'intelligence artificielle.

"*Bientôt la figuration sur les sujets d'époque, ça n'existera plus", s'attriste Astrid. Nathalie de Médrano se dit elle aussi "très pessimiste sur l'avenir de la figuration". "Dans dix ans, il y aura peut-être 10% des cachets qu'on a aujourd'hui"*, envisage la chargée de figuration.

"A ce rythme-là, dans cinq ans, il y aura beaucoup moins de figurants, il n'y aura que des doubles numériques hyper réalistes."

Lucien, comédien

"Ce n'est pas du tout une évidence de réduire le nombre de figurants", martèle-t-on chez Pathé, en niant le côté "systématique" de cette pratique. "On aura toujours besoin des figurants", assure également Antoine Moulineau, ne serait-ce que pour avoir une bonne qualité d'image sur les visages placés au premier plan d'une foule. "Si on demande juste à un figurant de marcher en arrière-plan, là oui il peut être généré numériquement", nuance toutefois le superviseur des effets visuels.

Antoine Moulineau se montre en revanche bien plus préoccupé, comme les figurants interrogés, par l'arrivée de l'intelligence artificielle dans le cinéma. Déjà menaçante pour le monde du doublage, cette technologie fragilise davantage les figurants. Recréer numériquement un acteur est déjà possible mais pour l'instant, le recours à l'IA coûte "plus cher" que "faire jouer" un vrai comédien, selon le spécialiste des effets spéciaux. Deux échéances pourraient être décisives. Les négociations à Hollywood, où les acteurs restent mobilisés, pourraient déboucher sur un accord avec les producteurs, qui servirait de modèle en France. D'ici à la fin de l'année, le Parlement européen doit aussi réglementer l'usage de l'intelligence artificielle en Europe, notamment au cinéma.

* Les prénoms ont été modifiés.

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October 26, 2023 at 9:30:15 PM GMT+2

La Chine confrontée au trafic des “visages volés” de l’intelligence artificiellehttps://www.courrierinternational.com/article/cybercriminalite-la-chine-confrontee-au-trafic-des-visages-voles-de-l-intelligence-artificielle

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La Chine confrontée au trafic des “visages volés” de l’intelligence artificielle

Chantage à la fausse sextape, manipulations bancaires… En Chine, le développement de l’intelligence artificielle (IA) fait passer l’escroquerie en ligne à un niveau inédit. Dans une société où tout est enregistré, des caméras de surveillance à la reconnaissance faciale sur smartphone, les données relatives aux visages ou à la voix des individus se monnaient à vil prix sur Internet. Les victimes en “perdent la face” – littéralement.

Xinjing Bao par Wang Chang Traduit du chinois Publié aujourd’hui à 05h00 Lecture 9 min.

L’appel vidéo n’a duré que sept secondes. Assez, cependant, pour que Fang Yangyu soit persuadé que ce visage et cette voix étaient bien ceux d’un de ses proches. Et pour qu’il vire 300 000 yuans [près de 39 000 euros] sur un compte bancaire.

“En fait, tout était faux !” tranche le commissaire Zhang Zhenhua, du bureau de la sécurité publique de Shanghe [un district de la province du Shandong, dans l’est de la Chine]. “C’était une escroquerie par IA, comme on en voit beaucoup ces derniers temps.”

L’affaire s’est produite le 29 mai dernier : Fang Yangyu, qui réside à Jinan [la capitale du Shandong], regarde de courtes vidéos chez lui, quand il reçoit un message d’un inconnu qui se présente comme un membre de sa famille, et qui lui envoie son identifiant QQ [“Kioukiou”, du nom d’un des principaux réseaux de messagerie en Chine]. À peine Fang Yangyu a-t-il ajouté le contact qu’il reçoit un appel vidéo de celui qui a tout l’air d’être un de ses “cousins”.

Sous prétexte de la mauvaise qualité du réseau, son interlocuteur raccroche au bout de quelques phrases échangées. Leur conversation se poursuit dans le chat : le “cousin” explique qu’il doit de toute urgence transférer une somme d’argent, mais qu’il n’arrive pas à le faire directement. Il voudrait donc d’abord virer les fonds sur le compte de Fang Yangyu pour que celui-ci les transfère ensuite sur une carte bancaire donnée.

À l’autre bout de la Chine

Il lui envoie deux captures d’écran attestant du bon virement des sommes sur le compte de Fang Yangyu, qui s’étonne tout de même de n’avoir pas reçu de notification de sa banque. “Ça devrait arriver dans les vingt-quatre heures. De toute façon, les justificatifs bancaires font foi”, lui assure son “cousin”, qui fait doucement monter la pression. Face à ses demandes répétées, Fang finit par virer les 300 000 yuans sur le compte indiqué.

Peu après, son interlocuteur lui demande de transférer 350 000 yuans de plus. Fang Yangyu se méfie, se souvenant d’un message de sensibilisation aux arnaques ; il téléphone à un autre membre de sa famille [pour vérifier l’identité de ce “cousin”] et finit par découvrir le pot aux roses.

Le soir même, il prévient la police, qui constate que sa carte bancaire a été utilisée dans une bijouterie de la province du Guangdong [à l’autre bout de la Chine, dans le sud-est]. Le lendemain, la police locale interpelle six suspects dans la ville de Dongguan.

Elle découvre que le cerveau de cette escroquerie par IA se trouve dans le nord de la Birmanie. Les six individus arrêtés en Chine, eux, s’étaient organisés pour blanchir de l’argent au profit d’escrocs situés à l’étranger en se répartissant les tâches (achats d’or, versement de liquide à la banque, prises de contact en ligne, etc.).

La fuite de données, à la base du problème

Ces affaires d’escroqueries par IA interposée touchent tout le territoire chinois. Wang Jie, chercheur associé en droit à l’Académie des sciences sociales de Pékin, raconte avoir entendu parler pour la première fois de ce genre d’arnaque en 2019, lorsqu’un étudiant étranger avait cru échanger avec ses parents en visio alors que c’était un hypertrucage (aussi connu sous le nom anglais de deepfake) réalisé par des malfaiteurs. Avant cela, des affaires similaires de substitution de visages par IA à des fins frauduleuses avaient été traitées par les polices de Harbin (nord-est de la Chine) et de Fuzhou (sud-est) .

“Derrière les arnaques par intelligence artificielle, il y a toujours un problème de fuite de données”, souligne Wang Jie. Car, à l’ère de l’IA, la voix et le visage humains sont devenus des données qui peuvent se marchander et devenir source de profits.

De fait, nombreux sont ceux qui “perdent la face” sans s’en apercevoir. Il suffit pour cela de quelques secondes, comme en a fait l’amère expérience Pan Ziping, un habitant de la province de l’Anhui, dans l’est de la Chine.

Le 24 mars au soir, plongé dans la lecture d’un roman de fantasy sur son téléphone portable, il clique par inadvertance sur une publicité en voulant faire défiler le texte. L’action déclenche le téléchargement d’un jeu. Par curiosité, Pan Ziping essaie d’y jouer, puis désinstalle le programme, qu’il juge inintéressant.

Dix secondes fatales

Dans la foulée, il reçoit un appel téléphonique de l’étranger. Son interlocuteur affirme avoir accès à toutes les informations contenues dans son smartphone, en particulier sa galerie de photos et son répertoire. Il lui propose d’en parler sur QQ. Sans trop réfléchir, Pan Ziping l’ajoute donc à ses contacts. Dans la foulée, il reçoit un appel en visio. L’homme, qui n’a pas branché sa caméra, lui cite alors plusieurs noms de personnes figurant dans son carnet d’adresses, puis met fin à l’appel vidéo.

Quelques minutes plus tard, Pan Ziping reçoit par QQ une vidéo pornographique d’une dizaine de secondes : on y voit un homme nu en pleine action ; mais le visage de cet homme, c’est le sien. Pan Ziping est abasourdi : “C’est donc ça, la technologie d’aujourd’hui !” Alors qu’il est toujours interloqué, il reçoit un nouveau coup de téléphone, menaçant :

“Si tu ne me verses pas 38 000 yuans [près de 5 000 euros], j’envoie ta ‘petite vidéo’ à tout ton répertoire !”

À l’appui, l’homme joint une copie d’écran montrant que la vidéo est bien prête à partir ; un simple clic, et tous les amis, tous les contacts de Pan Ziping la reçoivent…

Pan Ziping partage alors son écran pour montrer à son interlocuteur qu’il n’a pas assez d’argent sur ses comptes Alipay et WeChat [nécessaires aux transferts d’argent]. L’homme diminue alors son prix, n’exigeant plus que 28 000 yuans, puis 18 000 et finalement 8 000 yuans [un peu plus de 1 000 euros]. Mais Pan Ziping est formel, c’est au-dessus de ses moyens. Son interlocuteur le pousse donc à emprunter les sommes nécessaires sur des plateformes de prêt en ligne.

Un jeu d’enfant

Pan hésite, prépare le transfert… Puis il finit par quitter l’appel et téléphone au 110 [le numéro d’urgence de la police]. Mais au bout du fil, l’agent refuse de recevoir sa plainte, au motif qu’il n’y a pas de préjudice avéré. Pan Ziping demande ce qu’il doit faire pour régler cette histoire de vidéo porno truquée par IA. On lui répond que la police n’a pas les moyens de la détruire. Et que la seule solution, pour lui, c’est d’envoyer un message collectif expliquant cette affaire à tout son carnet d’adresses.

Au fil de ses recherches, le chercheur Wang Jie a documenté de nombreux cas de pertes de données personnelles par des individus qui, après avoir consulté des sites web douteux, ont été victimes d’arnaques. Il estime que, avec les techniques actuelles, “capturer des données faciales est devenu un jeu d’enfant”. Elles sont collectées à notre insu par les caméras de surveillance omniprésentes, par les systèmes de détection faciale de nos smartphones ou encore par les applications qui demandent l’accès à nos galeries de photos.

En 2021, à Hefei [la capitale de l’Anhui], la police a débusqué un groupe de malfaiteurs qui se servaient de techniques d’intelligence artificielle pour trafiquer les visages de personnes sur des FMV [pour full motion videos, des scènes reconstituées à partir de fichiers vidéo préenregistrés]. Sur les ordinateurs des suspects, on a découvert une dizaine de gigaoctets de données faciales, qui ont changé de mains à de nombreuses reprises sur Internet – à l’insu, bien sûr, des personnes concernées.

Règlements inapplicables

Entre autres paliers franchis par les technologies de l’intelligence artificielle, les outils d’échange de visages par IA (aussi connus sous le nom face swap) sont désormais à la portée de tous.

Dès 2019, une application de ce genre appelée ZAO faisait fureur [en Chine], avant d’être retirée pour violation des droits d’auteur et atteinte à la vie privée, entre autres. Ses utilisateurs n’avaient qu’à fournir une photo de leur visage pour se retrouver, dans des vidéos, à la place de leur personnage de film ou de série préféré.

Spécialiste de droit pénal, Liu Xianquan met en garde contre les graves dangers qui peuvent résulter du détournement le plus anodin :

“En fait, ce n’est pas tant la technologie d’échange de visages par IA qui pose problème que la façon dont elle est utilisée.”

La Chine a mis en place, le 10 janvier dernier, un règlement limitant les services d’hypertrucage proposés sur Internet en Chine. Il stipule que les fournisseurs de ces services de deepfake ont pour obligation d’ajouter une fonction permettant d’identifier clairement le contenu comme étant issu d’un trucage numérique.

Par ailleurs, lorsqu’ils proposent des montages à partir de données biométriques comme la voix ou le visage d’un individu, ils sont tenus de prévenir leurs clients de l’obligation d’obtenir le consentement de cet individu. Problème : les techniques d’échange de visages par IA se monnayent bien souvent en catimini sur Internet, ce qui rend l’application de ce règlement particulièrement difficile.

Recréer les parties invisibles

On trouve des services en ligne proposant de changer les visages sur des photos pour 35, 50 ou 100 yuans [de 4,5 à 13 euros]. Pour les échanges de visages sur des vidéos, la tarification est à la minute, de 70 à 400 yuans [de 9 à 50 euros].

“Il est possible de changer n’importe quel visage”, indique l’un de ces marchands, qui se fait appeler “Zhang l’ingénieur”. Si un client lui fournit la photo ou la vidéo d’un visage, il est capable de l’intervertir avec celui d’une vedette, par exemple, mais aussi de “ressusciter” en vidéo des personnes mortes.

Zhang l’ingénieur ne propose pas seulement des prestations clé en main, mais aussi d’enseigner les techniques d’échange de visages. “Chez nous, on peut acheter un tutoriel et apprendre à tout faire soi-même”, indique-t-il. Il a lui-même développé un algorithme, qu’il vend 368 yuans sous forme d’extension sur la plateforme [de commerce en ligne] Taobao pour une utilisation illimitée pendant… cinquante ans !

Pour un rendu plus naturel, certains de ces marchands conseillent de fournir une photo de départ prise sous le même angle que celle de destination. Mais un autre vendeur affirme parvenir à un résultat criant de vérité avec juste une photo de face :

“Grâce au processus de ‘machine learning automatisé’, on peut reconstituer un visage dans ses moindres détails – y compris les parties invisibles.”

Le patron du studio de design vidéo Jielun, une boutique en ligne sur la plateforme WeChat, se présente comme un expert dans l’échange de visages par IA. Il montre avec fierté une vidéo de dix-neuf secondes qu’il a diffusée en mai dernier auprès de son cercle d’amis. Une femme vêtue d’un bustier, d’une minijupe et de bas noirs, s’y déhanche face à la caméra. Son visage ressemble en tout point à celui de la star [du cinéma et de la chanson] Yang Mi ; seul un léger décalage est décelable lorsqu’elle regarde vers le bas ou se tourne sur le côté.

Vingt euros la vidéo porno

Au studio Jielun, il faut compter 70 yuans la minute pour faire réaliser des vidéos ordinaires et 150 yuans [20 euros] pour des vidéos obscènes. Notre enquête confirme qu’il faut à peine deux heures de travail pour créer sur mesure une minute de vidéo porno truquée avec échange de visages.

Au cours de nos échanges, le patron du studio a demandé à plusieurs reprises à retirer des informations qu’il considérait comme “sensibles”. En revanche, il n’a jamais indiqué vouloir informer les “individus édités” de l’utilisation de leurs données faciales. Et, sur la vidéo truquée, il n’est nulle part fait mention d’un échange de visages par IA.

Mais le “commerçant” se retranche derrière ce qu’il appelle la “clause exonératoire de responsabilité” jointe à la vidéo. Elle stipule que “toute diffusion de matériel graphique ou vidéo est interdite, et le producteur n’en assume aucune conséquence. La vidéo est réalisée à des fins de divertissement uniquement, et nous ne pourrons en aucun cas être tenus responsables de l’utilisation des images et des vidéos, ni de tout autre dommage.”

Au Studio Jielun, on trouve également des applications ou des logiciels gratuits d’échange de visages par IA. Une rapide recherche sur TikTok suffit à découvrir de nombreuses offres publicitaires assorties de liens de téléchargement.

Le droit des victimes oublié

Ensuite, il suffit d’un clic : un clip publicitaire de vingt-cinq secondes se lance, après quoi, on peut utiliser gratuitement l’appli pour réaliser une vidéo truquée d’une dizaine de secondes, à partir de toute une série de courtes vidéos matricielles de célébrités ou de gens ordinaires, toutes disponibles sur la page d’accueil.

“C’est comme quand quelqu’un achète un couteau et commet un meurtre avec. Aurait-on l’idée d’en rejeter la faute sur le couteau ou sur celui qui l’a vendu ?”

Pour Gan Shirong, du cabinet d’avocats Huacheng de Pékin, ce n’est pas la technologie qui pose problème, mais l’utilisateur qui commet un acte illégal avec. Le juriste insiste, du reste, sur le fait que la vente “non encadrée” de ce genre de technologie augmente naturellement le risque de violation de la loi et rend son contrôle plus difficile.

Surtout, il est encore très compliqué de défendre les droits des victimes d’une violation d’identité par IA interposée. Comme le fait observer Liu Xianquan, d’un point de vue juridique, aucune réglementation pertinente n’existe actuellement sur l’utilisation et le développement des technologies d’intelligence artificielle.

Quant à Pan Ziping, il n’a finalement pas pu porter plainte après le vol de son visage et son utilisation dans une vidéo pornographique. L’affaire n’a pas eu de conséquence financière pour lui [puisqu’il a refusé le chantage], mais il n’a pu ni retrouver l’auteur du vol de son visage, ni empêcher la diffusion de la vidéo. Son seul recours a été d’envoyer un message collectif à tous les contacts de son répertoire pour leur demander de ne pas relayer la vidéo. Et, malgré les images, de ne pas croire à son contenu.

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October 4, 2023 at 10:42:39 AM GMT+2

Hollywood Studios’ Demand For Free AI Replicas Sparks Actor Strike | Ubergizmohttps://www.ubergizmo.com/2023/07/hollywood-demand-for-free-ai-replicas-actor-strike/

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Hollywood Studios’ Demand For Free AI Replicas Sparks Actor Strike

By Paulo Montenegro, on 07/14/2023 16:01 PDT

In a startling revelation made during the press conference announcing their strike, Hollywood actors disclosed that the studios are demanding possession of their AI replicas without any compensation—a proposition that feels reminiscent of a dystopian narrative from the television series Black Mirror.

Duncan Crabtree-Ireland, the chief negotiator for SAG-AFTRA, shared details of the Hollywood studios’ proposal, which was described by the Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP) as a “groundbreaking AI proposal” safeguarding the digital likenesses of actors belonging to SAG-AFTRA.

When questioned about the proposal at the press conference, Crabtree-Ireland expressed his incredulity, stating:

“Yesterday, they presented us with this so-called ‘groundbreaking’ AI proposal. They suggested that our background performers should undergo scanning, receive payment for a single day’s work, and grant ownership of that scan, their image, and their likeness to the studios indefinitely. These studios would then have the right to utilize this digital representation without any consent or compensation, on any future project, for all eternity. If they believe this is a groundbreaking proposal, I suggest they reevaluate their perspective.”

The integration of generative AI has been a contentious issue in the ongoing negotiations between the two parties, with its implications extending beyond the current actors’ strike and also playing a significant role in the writers’ strike. SAG-AFTRA President Fran Drescher emphasized the urgency of the situation in her opening statement, warning, “If we fail to take a firm stand now, we will all face dire consequences. Our very existence is at stake, as we risk being replaced by machines.”

The SAG-AFTRA strike is scheduled to commence at midnight tonight, marking a pivotal moment in the struggle for fair treatment and the preservation of actors’ rights.

Filed in Robots. Read more about AI (Artificial Intelligence).

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July 18, 2023 at 9:23:44 PM GMT+2

Scammers are now using AI to sound like family members. It’s working. - The Washington Posthttps://www.washingtonpost.com/technology/2023/03/05/ai-voice-scam/

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They thought loved ones were calling for help. It was an AI scam.

Scammers are using artificial intelligence to sound more like family members in distress. People are falling for it and losing thousands of dollars.

The man calling Ruth Card sounded just like her grandson Brandon. So when he said he was in jail, with no wallet or cellphone, and needed cash for bail, Card scrambled to do whatever she could to help.

“It was definitely this feeling of … fear,” she said. “That we’ve got to help him right now.”

Card, 73, and her husband, Greg Grace, 75, dashed to their bank in Regina, Saskatchewan, and withdrew 3,000 Canadian dollars ($2,207 in U.S. currency), the daily maximum. They hurried to a second branch for more money. But a bank manager pulled them into his office: Another patron had gotten a similar call and learned the eerily accurate voice had been faked, Card recalled the banker saying. The man on the phone probably wasn’t their grandson.

That’s when they realized they’d been duped.

“We were sucked in,” Card said in an interview with The Washington Post. “We were convinced that we were talking to Brandon.”

As impersonation scams in the United States rise, Card’s ordeal is indicative of a troubling trend. Technology is making it easier and cheaper for bad actors to mimic voices, convincing people, often the elderly, that their loved ones are in distress. In 2022, impostor scams were the second most popular racket in America, with over 36,000 reports of people being swindled by those pretending to be friends and family, according to data from the Federal Trade Commission. Over 5,100 of those incidents happened over the phone, accounting for over $11 million in losses, FTC officials said.

Advancements in artificial intelligence have added a terrifying new layer, allowing bad actors to replicate a voice with an audio sample of just a few sentences. Powered by AI, a slew of cheap online tools can translate an audio file into a replica of a voice, allowing a swindler to make it “speak” whatever they type.

Experts say federal regulators, law enforcement and the courts are ill-equipped to rein in the burgeoning scam. Most victims have few leads to identify the perpetrator and it’s difficult for the police to trace calls and funds from scammers operating across the world. And there’s little legal precedent for courts to hold the companies that make the tools accountable for their use.

“It’s terrifying,” said Hany Farid, a professor of digital forensics at the University of California at Berkeley. “It’s sort of the perfect storm … [with] all the ingredients you need to create chaos.”

Although impostor scams come in many forms, they essentially work the same way: a scammer impersonates someone trustworthy — a child, lover or friend — and convinces the victim to send them money because they’re in distress.

But artificially generated voice technology is making the ruse more convincing. Victims report reacting with visceral horror when hearing loved ones in danger.

It’s a dark impact of the recent rise in generative artificial intelligence, which backs software that creates texts, images or sounds based on data it is fed. Advances in math and computing power have improved the training mechanisms for such software, spurring a fleet of companies to release chatbots, image-creators and voice-makers that are strangely lifelike.

AI voice-generating software analyzes what makes a person’s voice unique — including age, gender and accent — and searches a vast database of voices to find similar ones and predict patterns, Farid said.

It can then re-create the pitch, timbre and individual sounds of a person’s voice to create an overall effect that is similar, he added. It requires a short sample of audio, taken from places such as YouTube, podcasts, commercials, TikTok, Instagram or Facebook videos, Farid said.

“Two years ago, even a year ago, you needed a lot of audio to clone a person’s voice,” Farid said. “Now … if you have a Facebook page … or if you’ve recorded a TikTok and your voice is in there for 30 seconds, people can clone your voice.”

Companies such as ElevenLabs, an AI voice synthesizing start-up founded in 2022, transform a short vocal sample into a synthetically generated voice through a text-to-speech tool. ElevenLabs software can be free or cost between $5 and $330 per month to use, according to the site, with higher prices allowing users to generate more audio.

ElevenLabs burst into the news following criticism of its tool, which has been used to replicate voices of celebrities saying things they never did, such as Emma Watson falsely reciting passages from Adolf Hitler’s “Mein Kampf.” ElevenLabs did not return a request for comment, but in a Twitter thread the company said it’s incorporating safeguards to stem misuse, including banning free users from creating custom voices and launching a tool to detect AI-generated audio.

But such safeguards are too late for victims like Benjamin Perkin, whose elderly parents lost thousands of dollars to a voice scam.

His voice-cloning nightmare started when his parents received a phone call from an alleged lawyer, saying their son had killed a U.S. diplomat in a car accident. Perkin was in jail and needed money for legal fees.

The lawyer put Perkin, 39, on the phone, who said he loved them, appreciated them and needed the money. A few hours later, the lawyer called Perkin’s parents again, saying their son needed $21,000 in Canadian dollars (U.S. $15,449) before a court date later that day.

Perkin’s parents later told him the call seemed unusual, but they couldn’t shake the feeling they’d really talked to their son.

The voice sounded “close enough for my parents to truly believe they did speak with me,” he said. In their state of panic, they rushed to several banks to get cash and sent the lawyer the money through a bitcoin terminal.

When the real Perkin called his parents that night for a casual check-in, they were confused.

It’s unclear where the scammers got his voice, although Perkin has posted YouTube videos talking about his snowmobiling hobby. The family has filed a police report with Canada’s federal authorities, Perkin said, but that hasn’t brought the cash back.

“The money’s gone,” he said. “There’s no insurance. There’s no getting it back. It’s gone.”

Will Maxson, an assistant director at the FTC’s division of marketing practices, said tracking down voice scammers can be “particularly difficult” because they could be using a phone based anywhere in the world, making it hard to even identify which agency has jurisdiction over a particular case.

Maxson urged constant vigilance. If a loved one tells you they need money, put that call on hold and try calling your family member separately, he said. If a suspicious call comes from a family member’s number, understand that, too, can be spoofed. Never pay people in gift cards, because those are hard to trace, he added, and be wary of any requests for cash.

Eva Velasquez, the chief executive of the Identity Theft Resource Center, said it’s difficult for law enforcement to track down voice-cloning thieves. Velasquez, who spent 21 years at the San Diego district attorney’s office investigating consumer fraud, said police departments might not have enough money and staff to fund a unit dedicated to tracking fraud.

Larger departments have to triage resources to cases that can be solved, she said. Victims of voice scams might not have much information to give police for investigations, making it tough for officials to dedicate much time or staff power, particularly for smaller losses.

“If you don’t have any information about it,” she said, “where do they start?”

Farid said the courts should hold AI companies liable if the products they make result in harms. Jurists, such as Supreme Court Justice Neil M. Gorsuch, said in February that legal protections that shield social networks from lawsuits might not apply to work created by AI.

For Card, the experience has made her more vigilant. Last year, she talked with her local newspaper, the Regina Leader-Post, to warn people about these scams. Because she didn’t lose any money, she didn’t report it to the police.

Above all, she said, she feels embarrassed.

“It wasn’t a very convincing story,” she said. “But it didn’t have to be any better than what it was to convince us.”

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June 20, 2023 at 4:26:41 PM GMT+2
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