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"Grosse salope, t’es morte" : infiltration dans la discussion Snapchat d'une classe de CM2https://www.marianne.net/societe/education/grosse-salope-tes-morte-infiltration-dans-la-discussion-snapchat-dune-classe-de-cm2

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"Grosse salope, t’es morte" : infiltration dans la discussion Snapchat d'une classe de CM2

Paru sur Marianne

Après le suicide, le 12 mai dernier, de Lindsay, 13 ans, élève dans un collège du Pas-de-Calais, le harcèlement scolaire se retrouve au cœur des débats. Mais ce phénomène de meute démarre souvent dès l’école primaire. Exemple avec le groupe de discussion d’une classe de CM2 sur le réseau social Snapchat. Les filles y sont traitées de « putes » les garçons de « gros cons ». Un enfant menace un autre d’aller lui « casser les dents à la récré » : « Et j’rigole pas. Et tu saignes, j’men fous. D’toute façon personne t’aime. Crève. » Le même entend « démonter la gueule » à une autre parce qu’elle a « mal parlé de sa mère » : « Grosse salope, t’es morte, j’encule ta grosse mère aussi. Dans tous les cas, elle est dead. » Entre deux vidéos de mangas ou de foot à la gloire de Mbappé, les élèves s’y invectivent à tout va à coups de « wesh, wesh, wesh » et d’insultes en arabe – même si la majorité d’entre eux n’a aucune origine maghrébine.

Et non, ce ne sont pas des collégiens. Mais l’ordinaire d’un groupe de classe de CM2 sur le réseau social Snapchat que Marianne a pu consulter pendant trois mois, cette année. Cette dizaine d’élèves âgés de 10 à 11 ans est scolarisée dans la même classe d’une école publique du centre de Lyon un peu plus favorisée que la moyenne. Les familles de cadres et de professions libérales y côtoient celles de classe moyenne et de milieu plus populaire des HLM environnants. Une école mixte socialement plutôt « réputée » pour son niveau scolaire, racontent les parents.

SEXUALITÉ ET VIOLENCE

Lorsque les enfants ont créé ce groupe restreint cet hiver, il s’agissait pour eux d’échanger des photos de devoirs oubliés, agrémentées de blagues. Depuis le confinement du printemps 2020, les élèves de primaire, encouragés à communiquer entre eux et avec leurs enseignants par des moyens numériques, ont pris l’habitude de s’inscrire sur des groupes virtuels – surtout WhatsApp ou Snapchat. D’autant qu’ils sont toujours plus nombreux à posséder un téléphone dès la classe de CM1, voire de CE2. Un but semi-utilitaire a priori, rassurant pour leurs parents. Las, à lire les messages avec attention, on perçoit, jour après jour, que les échanges s’éloignent vite de l’objet initial. Au milieu des blagues classiques du type « la tête à Toto » les vidéos échangées, trouvées sur Internet par les enfants, flirtent très vite avec la sexualité et la violence. Des chats torturés ou frappés, des fesses et des seins de femmes filmés en gros plan avec des commentaires peu ragoûtants. On y parle des « darons » (les parents) auxquels il faut cacher les messages « sinon on va se faire couper le Wifi ».

Chaque enfant ou presque se voit affubler d’un surnom. Les premières de la classe y sont moquées : « Google Chrome » et « Wikipédia ». Le reste du groupe leur tombe dessus parce qu’elles écrivent leurs messages « sans fautes et avec des virgules », ce qui n’est pas admissible selon les codes auto-institués du groupe. Deux élèves d’origine africaine sont moqués, de façon répétée, en raison de leur couleur de peau et de leurs cheveux crépus sans que quiconque ou presque s’en émeuve. Les filles rondouillardes sont des « grosses » et les grandes de « sales girafes ». Simple plaisanterie puérile ? Peut-être mais qui peut vite dégénérer en harcèlement de groupe, d’autant que ces enfants, encore très jeunes, n’ont aucun filtre et racontent tout ce qui leur passe par la tête.

EFFET DE GROUPE ET CURÉE

La petite Stefania explique publiquement dans un « vocal » (un message audio), par exemple, pourquoi Arno ne peut plus être son petit ami – ce qui consiste concrètement à se tenir de temps en temps la main et se voir à la récré – et le lui annonce sur le groupe : « J’taime plus, c’est tout. Fous moi la paix. Tu m’as bien quitté la semaine dernière. C’est mon tour. » Humiliation du rejeté qui l’injurie avec sa petite voix suraiguë. Les filles prennent parti pour leur amie. Les garçons pour leur « reuf » (frère, en verlan). Tous promettent de régler ce différend dans les toilettes de l’école le lendemain.

Un autre jour, une enfant se fait railler parce que les autres soupçonnent ses parents d’être homosexuels. « On va t’appeler quatre boulettes puisque pour te fabriquer il a fallu quatre couilles et deux quéquettes. Comme t’as deux pères, tu dois être un garçon en vrai. » La rumeur enfle : « Rose, t’es un garçon, t’es un garçon… » Les moqueries se cumulent : « Tes lunettes, on dirait un pare-brise, répond nous, salope. Ton front est trop grand, on dirait celui de T’choupi [un personnage de dessin animé]. » Effet de groupe aidant, tout le monde s’y met, même les « meilleures amies » pour la moquer. Des montages de photos obscènes sont réalisés avec le visage de la victime et postés sur le groupe. C’est la curée. Consigne est donnée de ne plus lui adresser la parole « jusqu’à la fin de l’année ». Un signalement effectué par un parent auprès de l’école mettra fin à cette situation aux allures de harcèlement.

TABASSAGE, INSULTES ET SNAPCHAT

Mais parfois, cela va bien plus loin, comme Nadia a pu le constater, le mois dernier, dans son école primaire, dans l’Essonne. Cette directrice expérimentée a appris, grâce à un élève de CM2 « qui n’en dormait plus la nuit » qu’un groupe Snapchat avait été créé spécialement par sa classe pour harceler un jeune garçon. Un « très bon élève, en situation de fragilité car ses parents étaient en train de divorcer de façon houleuse. Il avait aussi des difficultés relationnelles » raconte-t-elle. Les enfants organisaient des opérations tabassage dans la cour de récréation, l’insultaient, le menaçaient dans les toilettes à l’abri du regard des adultes…

Lui-même était paradoxalement dans le groupe, mais n’osait en sortir « par peur d’être encore plus exclu » a-t-il expliqué à cette directrice, par ailleurs choquée par les vidéos porno, de suicides et de violences sur animaux qu’elle a pu visionner sur ce groupe Snapchat. Les 27 familles convoquées sont « toutes tombées de l’armoire » les enfants ont été sermonnés. Celui qui a osé dénoncer « a été félicité et montré en exemple ». « Depuis, tout est rentré dans l’ordre raconte la directrice, mais j’ai été étonnée : les parents n’étaient pour la plupart pas du tout au courant de ce que fabriquaient leurs enfants sur leurs téléphones. Leur réaction ? On va limiter le Wifi ! Or il faut avant tout parler avec les enfants pour déminer insiste-t-elle. J’y ai passé beaucoup de temps. Et c’est bien le problème. Nous pourrions passer nos journées à démêler ce qui relève de la simple querelle du véritable harcèlement. »

« ÇA COMMENCE DÈS LE PRIMAIRE »

Pour Murielle Cortot Magal, qui dirige le service du numéro vert anti-harcèlement mis en place par le gouvernement en 2011, « on repère le harcèlement majoritairement en CM1, CM2, sixième et cinquième. Il s’agit d’abord de bousculades volontaires et croche-pieds sur un enfant, de plaisanteries dégradantes sur le physique. Toute différence – handicap, couleur de peau, orientation sexuelle – est brocardée. Et plus ils grandissent, plus ça se passe sur les réseaux sociaux. On parle beaucoup des collèges car ils concentrent le plus de faits, mais ça commence dès l’école primaire. Avec une problématique particulière : le manque de moyens pour y faire face » explique-t-elle. Avec une difficulté supplémentaire : en primaire, on ne peut pas exclure, même momentanément, un élève agresseur, contrairement au collège. Pour cause : les conseils de discipline n’existent pas.

Directeur d’école à Nice depuis 1996, Thierry Pageot a toujours vu du harcèlement en primaire, même si le phénomène a pris de l’ampleur avec l’avènement du téléphone portable à l’école, souvent dès l’âge de 8 ou 9 ans. « C’est un sujet très compliqué à gérer, raconte ce secrétaire général du syndicat des directeurs d’école, d’autant que nous avons moins de personnel que dans le secondaire. » Contrairement aux collèges, les écoles primaires ne bénéficient pas de personnel de vie scolaire, ni d’assistants d’éducation. Très souvent, lorsque l’école est petite, le directeur enseigne aussi à mi-temps.

Les élèves ont donc moins d’adultes à qui parler. « La cour de récréation n’est pas toujours très surveillée. Et il arrive aussi que le scolaire et le périscolaire se renvoient la balle » confirme Maître Valérie Piau, avocate parisienne spécialisée en droit de l’éducation. « Il me semble aussi que les adultes prennent moins au sérieux la parole des écoliers que celle des collégiens parce qu’ils sont plus jeunes. Les enseignants minimisent parfois les alertes des enfants, évoquent de simples chamailleries. À leur décharge, les parents font aussi parfois remonter des faits qui n’ont rien à voir avec du harcèlement. »

4 JOURS DE FORMATION

Selon Marie Quartier, chargée de cours à l’université Lyon-II, licenciée en psychologie et auteure d’un ouvrage sur le sujet, « il ne faut pas minimiser les chamailleries et ne pas laisser faire ce que l’on ne tolérerait pas chez l’adulte, comme l’emploi d’un surnom ou le fait de bousculer. Il faut éviter que s’installe tout climat de rumeur, de moquerie. Les signaux faibles de souffrance, comme la chute des notes, le désintérêt pour la classe, les absences répétées sont également à prendre au sérieux. Tout cela peut intervenir dès la maternelle car le phénomène de groupe est présent dès le plus jeune âge ».

Certes, depuis les années 2010, des mesures sont mises en place pour que les choses bougent. Le dispositif pHARe, lancé en 2019 à titre expérimental et qui se déploie dans tous les établissements, porte ses fruits. Il prévoit la formation d’une équipe de référence d’au moins cinq personnes par collège et par circonscription du premier degré, la nomination et la formation de dix élèves ambassadeurs au moins par collège.

Certains critiquent l’aspect trop théorique des quatre journées de formation. Mais selon le ministère, le taux de résolution des situations de harcèlement est supérieur à 80 % grâce à cette méthode. On revient de loin et on a du retard, comme le souligne Marie Quartier : « Des personnes au sein de certains établissements sont dans le déni. S’ajoute à cela la difficulté du métier : de nombreux enseignants sont eux-mêmes fragilisés, fatigués, et donc pas en état de repérer les signes de souffrance des élèves. »

UN DÉLIT QUI POSE UN INTERDIT

Après le suicide d’une collégienne, Lindsay, 13 ans, dans le Pas-de-Calais, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a promis « des moyens supplémentaires ». Un responsable du suivi des situations et de la coordination de la lutte contre le harcèlement sera nommé dans chaque collège à partir de la rentrée 2023, avec une rémunération supplémentaire pour cette mission. Le ministre a aussi « enjoint aux chefs d’établissement de prendre contact systématiquement, en cas de harcèlement avéré, avec le procureur de la République, avec les autorités judiciaires ». Illusoire, comme le dénoncent des chefs d’établissement ?

Tout ne peut pas se régler sur un plan judiciaire, d’autant que le temps de la police et de la justice est souvent plus lent que celui de l’Éducation nationale. Certes, depuis la loi du 2 mars 2022, un délit de harcèlement scolaire a été créé. Il « n’aboutit pas systématiquement à une réponse judiciaire car la plupart des harceleurs sont très jeunes soulève Maître Piau, mais il pose un interdit bienvenu. Il permet de faire de la pédagogie auprès des familles ». En revanche, le problème des plates-formes numériques, lui, reste entier. Pour le moment, elles ont tendance à se défausser de leurs responsabilités.

Par Marie-Estelle Pech

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June 20, 2023 at 10:50:37 AM GMT+2

L'Europe et la France neutralisés par les Américains sur les microprocesseurs ?https://www.latribune.fr/economie/france/l-europe-et-la-france-neutralises-par-les-americains-sur-les-microprocesseurs-928360.html

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L'Europe et la France neutralisés par les Américains sur les microprocesseurs ?

POLITISCOPE. Malgré la communication positive autour de l'investissement porté par le groupe franco-italien ST et l'Américain GlobalFoundries à Crolles près de Grenoble pour étendre l'usine de puces électroniques de STMicroelectronics, la réalité est bien celle d'une grande faiblesse industrielle de l'Europe dans la bataille pour la souveraineté dans les microprocesseurs. Dans les faits, les États-Unis ont gardé la haute main sur les logiciels de conception, la technologie substrat, et surtout sur les machines de fabrication. Et la bataille se joue en Asie où les Etats-Unis organisent début septembre un « Chip 4 » avec le Japon, Taïwan et la Corée du Sud, pour faire face à la montée des tensions avec la Chine.

Dans le jargon des communicants, c'est ce qu'on appelle un « effet d'annonce ». Début juillet, Emmanuel Macron se rendait à Crolles dans l'Isère, peu de temps après le sommet « Choose France », réunissant des investisseurs internationaux à Versailles. L'occasion pour le président français d'annoncer au grand public une nouvelle extension de l'usine de puces électroniques de STMicroelectronics présente dans l'agglomération grenobloise. Ce nouveau projet (qui correspond à un investissement total de 5,7 milliards d'euros, constitué en partie par des fonds publics) est en fait porté par le groupe franco-italien ST et l'Américain GlobalFoundries et vise à fournir à l'industrie automobile européenne les puces qui lui sont désormais nécessaires sur le marché des voitures « intelligentes » et électriques.

Des puces atteignant jusqu'à 18 nanomètres

Dans les faits, la future unité de Crolles pourra graver des puces jusqu'à 18 nanomètres. Pour les néophytes, c'est un prouesse technique. Mais dans l'univers secret de l'industrie des semi-conducteurs, cette finesse de gravure est déjà largement dépassée par de nombreuses usines à Taïwan ou aux États-Unis. « L'Europe doit être le leader de la prochaine génération de puces », avait pourtant claironné Thierry Breton, le commissaire au Marché Unique et au Numérique à Bruxelles, allant jusqu'à évoquer une « reconquête stratégique ». Cet investissement à Crolles s'inscrit ainsi dans le cadre du « Chips Act » européen, un vaste plan de la Commission européenne, estimé à 42 milliards d'euros, pour doubler (à 20 %) la part de puces produites en Europe d'ici 2030. Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron avait insisté sur le fait que ce projet allait assurer une certaine « souveraineté ».

Ces grandes déclarations cachent mal pourtant les multiples faiblesses industrielles de l'Europe sur le front des semi-conducteurs et autres microprocesseurs. Dans son rapport publié au printemps, la Commission européenne peine à définir une réelle stratégie pour ce secteur hautement stratégique. Ni les États-Unis ni la Chine n'apparaissent clairement comme rivaux systémiques dans ses analyses. « Les montants financiers mis en avant, malgré des chiffres apparemment importants, non seulement ne sont pas à la hauteur des enjeux et des besoins nominaux, singulièrement en regard de ce que devraient être les objectifs industriels européens, mais sont aussi construits largement grâce à la mobilisation ou le recyclage de budgets préexistants », regrette un industriel du secteur, qui reste largement sur sa faim. Et pour cause : « l'Europe ne produit pas de smartphones et autres produits telcos - souvent à double usage- d'avant-garde numériques. C'est consubstantiel ! » L'Europe devait ainsi avoir comme priorité de revenir sur des segments où elle est aujourd'hui absente, ayant été évincée dans le passé. C'est en réalité l'ensemble de l'écosystème électronique qui est à prendre en compte, tant en amont qu'en aval.

UE et Elysée aux abonnés absents

Car le temps presse. Face à la montée en puissance de la Chine, les Américains tentent de maintenir leur prédominance mondiale. Cela passe, bien évidemment, par leurs pratiques ITAR, qui leur permettent de contrôler sur un plan normatif l'ensemble de ces filières hautement stratégiques. Face à cette stratégie intrusive, l'Union européenne comme l'Elysée se retrouvent aux abonnés absents. Pas question pour eux de contester les États-Unis. Résultat, comme sur le front sanitaire avec l'épidémie de Covid-19, l'Europe apparaît comme totalement ballotée, incapable de maîtriser et développer industriellement le moindre brevet. Elle n'est là que pour faire de la sous-traitance aux fleurons américains.

C'est d'ailleurs dans cette optique, que le géant Intel a décidé d'augmenter ses investissements en Allemagne ou que GlobalFoundries (l'ancien fondeur appartenant historiquement à IBM et contrôlé aujourd'hui par un fonds d'investissement emirati) s'associe avec STMicroelectronics. Au final, l'UE finance des capacités de production sur son territoire qu'elle ne maitrise en aucune manière. Dans les faits, les États-Unis ont gardé la haute main sur les logiciels de conception, la technologie substrat, et surtout sur les machines de fabrication.

L'Europe a pourtant des compétences et des centres de R&D de premier plan : IMEC, LETI... L'Europe dispose également de technologies enviées : la société néerlandaise ASML (première capitalisation boursière européenne) pour la lithographie grâce à ses machines ultra modernes de gravure, qui lui permettent de maîtriser 100% du marché mondial de l'extrême ultraviolet, la société française SOITEC sur les wafers SOI, enfin, STMicroelectronics sur le FDSOI. Mais, pendant ce temps-là, les Etats-Unis, financent, constituent des situation monopolistiques, normalisent et protègent, sans aucun état d'âme.

Réunion préliminaire du « Chip 4 »

Ainsi, et il est révélateur que cela n'a suscité aucun commentaire cet été du côté européen, mais les Américains sont en train de réunir les grands pays producteurs de semi-conducteurs en Asie dans un front contre la Chine. Début septembre, doit ainsi se réunir une réunion préliminaire de ce « Chip 4 », cette future alliance majeure dans les semi-conducteurs, constituée par les Etats-Unis, leaders des écosystèmes et des équipements, le Japon, en pointe dans l'approvisionnement en matériaux-clés, Taïwan, champion de la fabrication des puces électroniques de dernière génération avec TSMC, et la Corée du Sud, experte des puces mémoires, avec ses géants Samsung Electronics et SK Hynix : quelques jours à peine après que Joe Biden ait signé le « Chips and Science Act », ce texte qui vise à relancer la production des semi-conducteurs aux Etats-Unis à partir d'une première enveloppe de 52,7 milliards de dollars (51,7 milliards d'euros) de subventions.

Début août, lors de sa visite si polémique à Taïwan, Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, avait d'ailleurs déjeuné avec le patron de TSMC, Mark Liu, selon le Washington Post. Sous Donald Trump, TSMC avait déjà promis d'investi 12 milliards de dollars aux États Unis dans la construction d'une usine en Arizona. On le voit, dans cette guerre mondiale des puces électroniques, tous les coups sont permis. Et les Européens semblent avoir encore plusieurs trains de retards, malgré les derniers « effets d'annonce ».

Marc Endeweld

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22 Août 2022, 15:43

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June 20, 2023 at 10:48:29 AM GMT+2

Bercy veut vos relevés bancaires en temps réelhttps://www.nextinpact.com/article/70030/bercy-veut-vos-releves-bancaires-en-temps-reel

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Bercy veut vos relevés bancaires en temps réel

Du Ficoba au Flics aux basques
Par Pierre Januel Le vendredi 23 septembre 2022 à 10:03

Lors de la refonte du fichier des comptes bancaires (Ficoba), Bercy a voulu le transformer en fichier des opérations bancaires, qui lui aurait permis d’accéder en temps réel à nos relevés de compte. Un projet finalement bloqué par la Dinum, faute de base légale.

Dans la grande famille des fichiers, Ficoba est l’un des plus anciens. Ce FIchier des COmptes Bancaires et Assimilés liste, depuis 1971, tous les comptes ouverts en France : comptes courants, comptes d'épargne, comptes-titres… Il contient environ 800 millions de références de comptes dont 300 millions d’actifs. Les informations sont conservées durant toute la durée de vie du compte et pendant 10 ans après sa clôture.

Ficoba est un mastodonte que doivent nourrir toutes banques et qui est régulièrement consulté par de nombreux organismes : sécurité sociale, fisc, douane, enquêteurs judiciaires, notaires en charge d’une succession, banques, huissiers, TRACFIN. Au total, il y a eu pas moins de 41 millions de consultations en 2020. Le fichier est obsolète. Ainsi dans un récent référé, la Cour des comptes regrettait que le Ficoba, à cause de son obsolescence technique, ne soit pas assez utilisé par les organismes sociaux pour lutter contre la fraude à l’identité.

Le Ficoba ne contient que des informations sur les titulaires et bénéficiaires des comptes : rien sur les opérations effectuées sur les comptes ou sur le solde. Si le fisc ou la police veut en savoir plus, ils doivent passer par des réquisitions spéciales aux banques. C’est apparemment trop limité et trop compliqué pour Bercy.

Bercy voulait intégrer les opérations bancaires au Ficoba

Une refonte de Ficoba, intitulée Ficoba 3, est actuellement en chantier depuis 2020. L’objectif : mettre à jour technologiquement l’outil qui commence à dater, améliorer l’ergonomie et inscrire de nouveaux produits financiers (comme les coffres-forts) et de nouvelles données (noms des bénéficiaires effectifs et des mandataires) comme le prévoient des directives européennes. Un projet évalué à 17,4 millions d’euros, financé par le FTAP 2 à hauteur de 7,8 millions d’euros et qui devrait s’étaler jusqu’à 2024.

Mais un courrier adressé en septembre 2021 par Bercy à la Direction du numérique, qui est chargée de rendre un avis sur les grands projets informatiques, nous permet d’en savoir plus. Le ministère de l’Économie et des Finances y indiquait qu’il y avait d’autres buts à la refonte du Ficoba : « Les objectifs du projet Ficoba 3 sont également de préparer, de par son architecture, les étapes suivantes : a) intégrer les opérations effectuées sur les comptes bancaires ; b) évoluer et devenir le référentiel des comptes bancaires de la DGFiP. »

Le directeur interministériel du numérique, Nadi Bou Hanna, va bloquer sur ce point. Transformer un fichier des comptes bancaires en relevé de toutes les opérations bancaires serait une modification massive du Ficoba. Cela reviendrait à donner ces informations en temps réel au fisc, aux services de renseignement et à un tout un tas d’organismes. De quoi nourrir le data mining de Bercy, de plus en plus mis en avant dans la lutte contre la fraude fiscale.

La Dinum note que concernant les nouvelles exigences européennes, « les principales mesures attendues (intégration des coffres-forts, des bénéficiaires effectifs et des mandataires par exemple) ont d’ores et déjà été embarquées dans les évolutions en cours de Ficoba 2. »

Surtout l’intégration des soldes de comptes bancaires et à terme les opérations effectuées sur ces comptes bancaires serait « une évolution fonctionnelle très significative de Ficoba, passant d’une gestion des données de référence statiques à une gestion des données dynamiques très sensibles ».

Mais « les cas d’usage de ces soldes et de ces opérations ne sont pas détaillés et leur conformité avec le cadre juridique actuel ne me paraissent pas suffisamment solides ». La DINUM n’a notamment pas trouvé trace « de débats parlementaires permettant d’autoriser ces évolutions substantielles ». Afin de sécuriser le projet, il conviendrait que Bercy s’assure « de leur conformité auprès des instances compétentes, en premier lieu la CNIL, avant de débuter les travaux de réalisation ».

Les éléments fournis par Bercy ne permettent pas à la Dinum de conclure à la « conformité juridique indispensable du périmètre fonctionnel additionnel de constitution d’un référentiel porté par la DGFIP des soldes et des mouvements des comptes bancaires des entreprises et des particuliers ». En conséquence, son avis conforme est défavorable pour cette partie du projet.

Pour le reste, l’avis de la Dinum à Ficoba 3 est favorable, moyennant d’autres demandes, comme celle de permettre le partage des RIB avec plusieurs administrations via FranceConnect, le renforcement de l’approche « données » du projet, le resserrement du pilotage du projet et le fait de mener une réflexion en faveur de la cloudification du Ficoba (qui devrait rester hébergé à la DGFIP).

Bercy, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, semble pour l’instant avoir abandonné son projet fou. La dernière version de son cahier des charges ne mentionne plus le fait que le Ficoba 3 intégrera les soldes et les opérations bancaires.

Une présentation faite à l’association des marchés financiers en mars 2022 évoque uniquement « un cadre légal évolutif permettant de stocker de nouvelles données », mais rien de précis concernant l’inclusion des soldes et des opérations. En bref, il faudra changer la loi avant de changer le Ficoba.

Article publié dans la revue NextInpact par Pierre Januel

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June 20, 2023 at 10:45:36 AM GMT+2

Pourquoi Elon Musk inquiète le pouvoir à Washingtonhttps://www.courrierinternational.com/long-format/influence-pourquoi-elon-musk-inquiete-le-pouvoir-a-washington

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Influence. Pourquoi Elon Musk inquiète le pouvoir à Washington

Brillant, fantasque et arrogant : le patron de Tesla, SpaceX et désormais Twitter est un peu trop incontrôlable aux yeux de nombreux responsables politiques américains. Mais ils n’osent critiquer son ingérence dans les questions géopolitiques que sous couvert d’anonymat, constate le “Washington Post”.

En octobre, entre la prise de contrôle de Twitter, le lancement de quatre astronautes et d’une nouvelle salve de 54 satellites dans l’espace et la présentation d’un semi-remorque électrique, Elon Musk a encore trouvé le temps de proposer des plans de paix pour Taïwan et l’Ukraine, se mettant à dos les dirigeants de ces pays tout en déclenchant l’ire de Washington.

L’homme le plus riche du monde a aussi agacé le Pentagone en annonçant qu’il ne souhaitait pas continuer à payer de sa poche son service d’accès à Internet par satellite [Starlink] en Ukraine, avant de faire volte-face. En coulisses, de nombreux responsables de Washington s’inquiètent de voir le milliardaire de 51 ans se mêler de questions géopolitiques explosives sans les consulter.

Lire aussi À la une de l’hebdo. Ces milliardaires tout-puissants

Depuis vingt ans, un partenariat entre Elon Musk et le gouvernement fédéral a certes permis aux États-Unis de retrouver leur position dominante dans l’espace et d’électrifier la flotte automobile américaine, scellant du même coup sa réputation internationale de génie de la technologie. Mais aujourd’hui, beaucoup à Washington trouvent le grand patron trop puissant et inconséquent.

Parmi la vingtaine de hauts responsables gouvernementaux interrogés pour cet article, beaucoup, évoquant la facilité avec laquelle Elon Musk raille publiquement ses détracteurs – il a traité le président Biden de “chiffe molle” et déclaré que la sénatrice démocrate du Massachusetts Elizabeth Warren lui rappelait “la mère en colère d’un ami” –, n’ont accepté d’en parler que sous couvert de l’anonymat. Presque tous s’accordent à dire qu’il est aussi fantasque et arrogant que brillant.

Convaincu d’être un bienfaiteur de l’humanité

“Elon, l’omniprésent”, selon un haut fonctionnaire de la Maison-Blanche, “est tellement convaincu d’être un bienfaiteur de l’humanité qu’il estime n’avoir besoin d’aucun garde-fou et tout savoir mieux que tout le monde.”

“Il considère qu’il est au-dessus de la présidence”, renchérit Jill Lepore, historienne à Harvard et autrice d’une série de podcasts sur Elon Musk.

Elon Musk n’a pas souhaité nous répondre pour cet article, mais il assure avoir un avis éclairé sur les grands problèmes de notre temps et qu’il est de son devoir d’“améliorer l’avenir de l’humanité”. Il est persuadé que son plan de paix pour l’Ukraine pourrait empêcher une éventuelle guerre nucléaire et que sa proposition pour Taïwan serait à même d’apaiser de dangereuses tensions régionales.

Lire aussi Vu d'Ukraine. Avec son “plan de paix”, Elon Musk tombe le masque

Cette diplomatie parallèle exaspère certains alliés, au moment même où Elon Musk met 44 milliards de dollars [45 milliards d’euros] sur la table pour racheter une plateforme médiatique forte de centaines de millions d’utilisateurs.

Pour Richard J. Durbin, sénateur démocrate de l’Illinois, “le fait est que les gens suivent de près la moindre de ses déclarations, parce qu’il a si souvent réalisé ce qu’il annonçait”. Son collègue républicain de Caroline du Sud Lindsey O. Graham qualifie son plan pour l’Ukraine d’“affront” à ce peuple.

Détenteur de plus de satellites que n’importe quel pays

Les relations d’Elon Musk avec Washington avaient pourtant commencé sous les meilleurs auspices. “Je vous aime !” avait-il lâché quand, en 2008, alors qu’il croulait sous les dettes, un responsable de la Nasa [l’agence spatiale américaine] l’avait appelé pour lui annoncer qu’il venait de décrocher un contrat de 1,6 milliard de dollars. Washington a par la suite injecté d’autres milliards dans son entreprise de fusées et capsules spatiales. SpaceX a été à la hauteur des attentes, en reconstruisant un programme spatial américain qui battait de l’aile.

Ses initiatives bipartisanes l’ont, un temps, aidé à conquérir Washington. Il a dîné avec le président Barack Obama et intégré l’équipe des conseillers économiques du président Donald Trump. Il a financé des candidats des deux partis. Aujourd’hui, il n’a pas de mots assez durs pour Joe Biden et clame qu’il votera pour un républicain en 2024.

L’entrepreneur excentrique qui ne se rend plus désormais que rarement à Washington se montre de plus en plus critique à l’égard du gouvernement fédéral. Il parle à des chefs d’État et de gouvernement étrangers, vend ses fusées et sa technologie spatiale de pointe à la Corée du Sud, à la Turquie et à un nombre croissant de pays. Il a installé des usines Tesla en Allemagne et en Chine. Il possède et contrôle plus de 3 000 satellites orbitant autour de la Terre – bien plus que n’importe quel État.

Une puissance mondiale à lui tout seul

S’il a moins besoin de Washington maintenant qu’il est à lui seul une puissance mondiale, Washington reste largement tributaire du milliardaire. L’armée américaine utilise ses fusées et ses services de communication par satellite pour ses drones, ses navires et ses avions. La Nasa n’a aucun autre moyen d’envoyer des astronautes américains vers la Station spatiale internationale (ISS) sans sa capsule spatiale. Et à l’heure où la Maison-Blanche a fait du changement climatique l’une de ses priorités, il a mis plus de voitures électriques sur les routes américaines que tout autre constructeur.

Plusieurs hauts fonctionnaires assurent prendre des dispositions pour s’affranchir de l’emprise d’Elon Musk. “Il n’y a pas que SpaceX sur le marché. Il existe d’autres entités auxquelles nous pouvons certainement nous associer pour fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin sur le champ de bataille”, a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse à la mi-octobre Sabrina Singh, porte-parole adjointe du ministère de la Défense.

“Un danger pour la démocratie”

L’une des grandes inquiétudes porte sur son réseau de participations hors des États-Unis et d’investisseurs étrangers, à commencer par son immense usine Tesla en Chine, et sur les influences auxquelles Elon Musk pourrait céder dès lors qu’il contrôle une plateforme numérique où certains utilisateurs propagent de la désinformation et attisent la polarisation politique. En tant que fournisseur de la défense américaine, Musk a fait l’objet d’une enquête, mais plusieurs hauts fonctionnaires réclament des vérifications plus poussées, notamment au regard de tout éventuel projet de développement en Russie et en Chine. Elizabeth Warren et d’autres ont vu dans son rachat de Twitter “un danger pour la démocratie”.

Washington a déjà eu à gérer de puissants hommes d’affaires qui dominaient les chemins de fer, le pétrole ou un secteur économique clé, souligne Richard Haass, directeur du [cercle de réflexion] Council on Foreign Relations. “Mais ce qui est un peu différent ici, c’est la capacité d’Elon Musk à diffuser ses idées politiques et le fait que nous disposons désormais d’une technologie et d’un média qui, au bout du compte, permettent à tout un chacun de devenir son propre réseau ou sa propre chaîne.”

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La tourmente économique qui sévit depuis le début de la guerre en Ukraine a écorné de nombreuses fortunes, dont celles d’Elon Musk, qui, selon l’indice Bloomberg des milliardaires, a vu son patrimoine fondre de plusieurs dizaines de milliards de dollars, passant à 210 milliards de dollars [195 milliards au 4 novembre, soit 200 milliards d’euros].

Deux personnes qui le connaissent bien le disent impulsif – un trait de caractère qui le rend peu fiable aux yeux des responsables gouvernementaux. Elon Musk a lui-même révélé être atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, prévenant qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il soit “un type cool et normal”.

Des visées sur Washington

“Il n’arrête pas de se tirer des balles dans le pied. Il ferait mieux de ne pas se mêler de politique”, juge une personne qui a travaillé à ses côtés pendant des années.

“Comme tout le monde, j’ai été choquée de le voir s’empêtrer dans certaines affaires ces derniers mois”, commente Lori Garver, ancienne administratrice adjointe de la Nasa, qui s’inquiète des répercussions. SpaceX a certes rétabli l’hégémonie des États-Unis dans l’espace, mais les déclarations politiquement sensibles de son patron lui valent des critiques.

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Musk a des visées sur Washington depuis vingt ans. Citoyen sud-africain venu s’installer dans la Silicon Valley, il a obtenu la nationalité américaine en 2002 – l’année même où il a réinjecté l’argent de la vente de PayPal, la société de paiement en ligne qu’il a cofondée, dans la création de SpaceX. Il misait gros et avait besoin de lucratifs marchés publics. Début 2003, il disait vouloir “renforcer significativement sa présence” dans la capitale, afin d’établir “une relation de travail étroite avec le gouvernement fédéral”.

À la même époque, il investit dans Tesla, dont il a rapidement pris le contrôle [en 2004], grâce aux aides et aux dispositifs fiscaux de Washington. À elle seule, la Californie a subventionné l’entreprise à hauteur de 3,2 milliards de dollars.

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Un examen des formulaires de déclarations publiques révèle qu’Elon Musk a embauché des dizaines de lobbyistes, dont beaucoup avaient travaillé pour de puissants membres du Congrès. Selon OpenSecrets, un groupe de recherche sur les financements politiques, SpaceX a dépensé en quelques années plus de 22 millions de dollars pour faire pression sur Washington. Musk a lui-même révélé un excellent sens politique. De 2008 à 2013, il s’est envolé quarante fois pour Washington. Il a frappé aux portes et invité des hauts responsables à des déjeuners de travail. Et il a vite compris que lorsque les tractations en coulisses ne marchaient pas, la publicité pouvait être efficace.

Adepte de coups d’éclat publics

Par un mercredi ensoleillé de juin 2014, il a garé son nouveau “taxi de l’espace” à quelques rues du Capitole. Il avait traversé le pays depuis son usine californienne à bord de la capsule conçue pour lancer sept astronautes en orbite et invité les caméras et quelques responsables au spectacle. “Beau boulot, Elon !” s’est écrié Dana Rohrabacher, élu républicain à la Chambre, à sa descente de l’élégant vaisseau spatial. Ce jour-là, les démocrates aussi ont applaudi. Musk était aux anges.

Les États-Unis comptaient alors sur la Russie pour emmener leurs astronautes vers l’ISS, et déboursaient des dizaines de millions de dollars pour chaque place. Elon Musk promit de mettre fin à cette pratique et de relancer le programme spatial américain. Le locataire de la Maison-Blanche était alors Barack Obama, qui voulait laisser leur chance à des opérateurs privés comme SpaceX. Quelques semaines après l’arrivée en fanfare de son taxi de l’espace à Washington, Elon Musk décrochait un contrat de 2,6 milliards de dollars avec la Nasa.

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Elon Musk lorgnait également des marchés du Pentagone, et s’est rendu compte que les coups d’éclat publics pouvaient aider. En 2014, il a fait les gros titres pour avoir descendu en flammes, devant le public clairsemé d’une audition parlementaire, la coentreprise entre Lockheed Martin et Boeing, les deux géants de l’aérospatiale qui fournissaient des fusées à l’armée de l’air, dénonçant un “monopole” qui, selon lui, pesait bien trop lourd sur les contribuables.

“Elon demandait qu’on lui donne une chance”, explique Scott Pace, ancien responsable de la Nasa qui était intervenu lors de cette audition. Ce qu’a fait le Pentagone, et Elon Musk a tenu parole. Ses fusées Falcon, révolutionnaires et partiellement réutilisables, coûtaient beaucoup moins cher. Huit ans plus tard, Elon Musk est le Goliath de l’industrie spatiale.

L’État limite sa dépendance à l’égard de Musk

Kevin McCarthy, député de Californie et chef de file des républicains à la Chambre des représentants, lui donne du “cher ami”. En juin, Elon Musk, qui a récemment quitté la Californie pour s’installer au Texas, a annoncé qu’il donnait sa voix à Mayra Flores lors d’une primaire pour les législatives – ajoutant que c’était la première fois qu’il votait républicain. Il a également reproché aux démocrates d’être trop extrêmes et à la botte des syndicats.

Certains législateurs républicains doutent cependant que son engouement pour le Great Old Party dure très longtemps. “C’est encore un de ces artistes à la con”, lâchait à son sujet Donald Trump en juillet dans un meeting en Alaska.

L’un des rares points sur lesquels les deux partis s’entendent est que, sur certaines questions vitales, notamment pour ce qui est de la sécurité nationale, les États-Unis ne devraient pas s’en remettre à un seul individu ou une seule entreprise. Et le gouvernement prend des mesures pour limiter sa dépendance à l’égard de Musk.

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La Nasa a financé la navette Starliner de Boeing pour concurrencer SpaceX dans le transport des astronautes. (La fusée Blue Origin de Jeff Bezos, propriétaire du Washington Post, est également en lice pour les contrats de la Nasa). Selon des responsables de la Nasa, les retards à répétition et l’augmentation du coût de Starliner expliquent que SpaceX se soit imposé.

En août, la Commission fédérale des communications (FCC) a refusé une subvention de 900 millions de dollars [910 millions d’euros] à Starlink, le fournisseur d’accès Internet par satellite de SpaceX, pour apporter le haut débit dans des zones rurales.

Le Congrès encourage aussi Ford et d’autres constructeurs à produire des voitures électriques. Depuis peu, seules les voitures neuves de moins de 55 000 dollars bénéficient de la subvention gouvernementale de 7 500 dollars. La plupart des modèles Tesla sont plus chers. Mais Elon Musk pourra encore profiter de nombreuses mesures d’incitation, y compris pour ses stations de recharge électrique. Ses superchargeurs sont déployés dans 46 pays.

Contre la bureaucratie et “ces salopards” de régulateurs

Elon Musk déteste être dépeint “comme un escroc qui ne devrait sa survie qu’à la manne de l’État”, souligne Eric Berger, auteur de Liftoff [“Décollage”, non traduit en français], une histoire de SpaceX. “Il considère l’État comme une épée à double tranchant” qui peut lui être utile, mais dont la bureaucratie le ralentit. “Il est vraiment frustré par le nombre étourdissant d’agences fédérales avec lesquelles il doit traiter.”

“Ces salopards”, c’est ainsi que Elon Musk désigne les responsables de la Securities and Exchange Commission (SEC) [le régulateur américain des marchés financiers]. Elon Musk et Tesla se sont vu infliger chacun une amende de 20 millions de dollars après que le milliardaire a prétendu sur Twitter disposer d’un “financement assuré” pour retirer son entreprise de la Bourse pour 420 dollars par action, alors que ce n’était pas vrai. La SEC enquête aussi sur son offre de rachat de Twitter. L’avocat de l’homme d’affaires a déclaré devant un juge que la SEC essayait “de bâillonner et de harceler” son client parce qu’il “critique ouvertement le gouvernement”.

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Rares sont ceux qui ont envie de se retrouver dans le collimateur du milliardaire. C’est ce qui est arrivé à Joe Biden, qui ne pas l’a pas convié à une conférence de la Maison-Blanche sur les véhicules électriques en août 2021. Dans un tweet, Musk a jugé que ce camouflet était “un nouveau palier d’absurdité”, accusant Biden d’être sous la coupe des syndicats.

Au-delà du fait qu’ils ne souhaitent pas se le mettre à dos, beaucoup à Washington admirent ses réussites et souhaitent travailler avec lui. Au Pentagone, nombreux sont ceux qui voient en lui une arme secrète. Grâce à son système de satellites Starlink, les soldats ukrainiens sont informés en temps réel des cibles militaires ; d’autres pays étudient comment il pourrait renforcer leur défense.

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Parallèlement, le milliardaire travaille sur tout un éventail de nouveaux projets, allant de robots capables de préparer les repas à des plans de colonisation de Mars.

Pour l’historienne Jill Lepore, la puissance d’Elon Musk ne ressemble à rien de ce que les États-Unis ont pu connaître jusqu’à présent. “Nous devrions nous inquiéter, non parce qu’il est inévitable que son pouvoir d’influence devienne néfaste, mais parce qu’il est inévitable qu’il devienne énorme.”

Article long format publié sur Le Courrier International

Wanted, les milliardaires de la tech

Parmi les 40 premières fortunes mondiales de l’indice des milliardaires de Bloomberg, 11 sont issues de la technologie et 9 font leurs affaires depuis les États-Unis. Mais la culture libertarienne progressiste de la Silicon Valley n’est plus guère de mise.

Les agités

Elon Musk, 51 ans, américain (né en Afrique du Sud)

1re fortune mondiale (195 milliards de dollars, dont l’immense majorité en actions Tesla et SpaceX)

Cofondateur et PDG de la société astronautique SpaceX, PDG de la société automobile Tesla, cofondateur de la société d’implants cérébraux Neuralink, propriétaire de Twitter (depuis le 27 octobre 2022).

Jeff Bezos, 58 ans, américain

3e fortune mondiale (115 milliards de dollars)

Fondateur et président du conseil d’administration du géant de l’e-commerce Amazon, fondateur de l’entreprise spatiale Blue Origin

Mark Zuckerberg, 38 ans, américain

29e fortune mondiale (35,1 milliards de dollars)

Cofondateur et directeur général de Meta (ex-Facebook), plus grand réseau social du monde (3,6 milliards d’utilisateurs mensuels).

Les philantrocapitalistes

Bill Gates, 67 ans, américain

5e fortune mondiale (107 milliards de dollars)

Cofondateur du géant de l’informatique Microsoft et de la Fondation Bill et Melinda Gates (qui revendique 65,6 milliards de dollars d’investissements caritatifs depuis sa création).

Sergey Brin, 49 ans, américain (né en Russie)

11e fortune mondiale (78,4 milliards de dollars)

Cofondateur et président d’Alphabet (maison mère de Google), cofondateur de la Fondation Brin Wojcicki et “l’un des plus généreux des milliardaires de la tech”, selon le magazine indien Sugermint (en 2015, il a donné 355 millions de dollars à l’université de Cambridge pour l’intelligence artificielle et le machine learning).

Les soutiens des républicains

Larry Ellison, 78 ans, américain

7e fortune mondiale (90,5 milliards de dollars)

Cofondateur, directeur de la technologie et président du conseil d’administration du géant du logiciel Oracle, administrateur de Tesla

L’un des principaux donateurs du Parti républicain (21 millions de dollars cette année, selon Bloomberg).

Michael Dell, 57 ans, américain

24e fortune mondiale (45,6 milliards de dollars)

Fondateur et PDG de l’entreprise informatique Dell, entré dans le classement de Fortune dès l’âge de 27 ans comme “plus jeune patron d’entreprise”, selon La Libre Belgique. Il a soutenu Elon Musk, “l’homme dans l’arène” – référence au célèbre discours de Roosevelt. Donateur régulier du Parti républicain.

Les postlibertariens

Larry Page, 49 ans, américain

9e fortune mondiale (81,8 milliards de dollars)

Cofondateur de Google

Fan du festival Burning Man, il investit des millions de dollars dans les start-up de voitures et taxis volants Zee Aero et Kittyhawk.

Steve Ballmer, 66 ans, américain

10e fortune mondiale (79,3 milliards de dollars)

PDG de Microsoft de 2000 à 2014, propriétaire (pour 2 milliards de dollars) de l’équipe de basket de NBA des Los Angeles Clippers, il investit dans des fonds pour la diversité.

Les forcément discrets

Zhang Yiming, 39 ans, chinois

22e fortune mondiale

Fondateur de ByteDance, maison mère du réseau social TikTok.

Jack Ma (Ma Yun de son nom chinois), 58 ans, chinois

36e fortune mondiale (29 milliards de dollars)

Fondateur et PDG jusqu’en 2019 du site de e-commerce chinois Alibaba, le plus célèbre “disparu” de la tech chinoise (réapparu cet été).

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June 20, 2023 at 10:44:19 AM GMT+2

La chute du bitcoin, un “coup mortel” pour le Salvador ?https://www.courrierinternational.com/article/analyse-la-chute-du-bitcoin-un-coup-mortel-pour-le-salvador

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Analyse. La chute du bitcoin, un “coup mortel” pour le Salvador ?

Alors que la plus célèbre des cryptomonnaies ne cesse de perdre de la valeur, le pays d’Amérique centrale, qui en a fait une devise officielle en 2021, se retrouve pris à la gorge. Pourra-t-il payer ses dettes ? s’interroge la presse de la région.

Où s’arrêtera la chute ? Déjà mal en point depuis des mois, le bitcoin, la plus célèbre des cryptomonnaies, a perdu 21 % de sa valeur la semaine dernière. L’une des raisons est la faillite, vendredi 11 novembre, de la plateforme de cryptofinance FTX, où s’échangeaient les cryptomonnaies.

Mais cette baisse n’est pas la seule. “C’est seulement la plus récente. Le bitcoin part en piqué depuis la fin de l’an dernier”, écrit Isabella Cota, chef du service économie pour l’Amérique latine du site El País México.

Lire aussi Finance. Le marché des cryptomonnaies frôle à nouveau le krach

La journaliste cite Ricardo Castaneda, économiste à l’Institut d’Amérique centrale des études financières :

“Les pertes de la semaine dernière représentent quasiment un coup mortel porté à l’adoption massive de cryptomonnaies au Salvador.”

En septembre 2021 en effet, le plus petit pays d’Amérique centrale, sous l’impulsion de son jeune et très populaire président Nayib Bukele, avait décidé d’adopter le bitcoin comme monnaie officielle – aux côtés du dollar. Avec des achats censés grossir le budget de l’État.

“L’échec est patent”

Dans un article d’opinion écrit la veille de la chute de FTX, le site Elsalvador fait rapidement le calcul :

“Le 3 novembre 2021, un bitcoin atteignait la valeur de 68 991 dollars ; mercredi 9 novembre il valait 16 686 dollars [16 172 ce 15 novembre]. L’échec est patent.”

Le correspondant à San Salvador de CNN Español cite une étude de l’Institut d’opinion de l’université d’Amérique centrale, selon laquelle “75,6 % des sondés affirment n’avoir jamais utilisé le bitcoin pour faire des achats, tandis que 77,1 % estiment que le gouvernement ne devrait plus investir de fonds publics pour acheter cette cryptomonnaie”.

Lire aussi Première mondiale. Comment le Salvador a adopté le bitcoin comme monnaie officielle

En fait, personne ne sait exactement combien le gouvernement de Nayib Bukele a investi dans le bitcoin. Les seules estimations se réfèrent à son compte Twitter, qui sert généralement au président à annoncer ses décisions. Selon le site Nayibtracker, ces achats ont représenté 107 millions de dollars, qui n’en vaudraient plus aujourd’hui que 40 millions. Ce qui est loin d’être anodin, pour Ricardo Castaneda :

“[Ces pertes] représentent par exemple la quasi-totalité du budget du ministère de l’Agriculture, dans un pays où l’insécurité alimentaire frappe la moitié de la population.”

Le temps presse

S’il n’a pas réagi à la récente chute du bitcoin, Nayib Bukele a l’habitude de répéter que ces achats ne sont pas des pertes mais des investissements pour l’avenir, quand le cours de la cryptomonnaie remontera.

Mais le temps presse. “En janvier, le gouvernement va devoir faire face au remboursement de 800 millions de dollars [à des investisseurs étrangers]”, écrit le quotidien La Prensa Gráfica, qui signale que l’an dernier, le gouvernement était en négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 1,3 milliard de dollars.

Lire aussi Cryptomonnaie. L’adoption du bitcoin comme monnaie officielle divise le Salvador

Mais, “après l’adoption du bitcoin, les relations se sont refroidies”. Le FMI a toujours averti des risques encourus par le Salvador après que Nayib Bukele a misé sur la cryptomonnaie.

Pour le site Elsalvador, il n’y a pas de doute :

“Combien d’écoles n’ont pas été construites, combien d’hôpitaux n’ont pas pu être rénovés à cause du bitcoin ? Combien de promesses n’ont pas pu être tenues ? […] Quelque chose sent très mauvais.”

Article publié dans le Courrier International

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June 20, 2023 at 10:41:10 AM GMT+2

La Cnil saisie d’un recours collectif contre la « technopolice » | Mediaparthttps://www.mediapart.fr/journal/france/250922/la-cnil-saisie-d-un-recours-collectif-contre-la-technopolice

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La Cnil saisie d’un recours collectif contre la « technopolice »

La Quadrature du Net a recueilli les mandats de 15 248 personnes pour déposer trois plaintes contre les principaux outils de surveillance policière déployés un peu partout en France. Elle demande notamment le démantèlement de la vidéosurveillance et l’interdiction de la reconnaissance faciale.
Jérôme Hourdeaux 25 septembre 2022 à 10h23

C’est un recours d’une ampleur inédite qui a été déposé samedi 24 septembre auprès de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) : plus de 15 248 personnes regroupées pour contester peu ou prou l’intégralité du dispositif techno-sécuritaire déployé par le gouvernement ces 20 dernières années.

Pendant presque six mois, l’association La Quadrature du Net a battu le rappel pour récolter les mandats de citoyens et citoyennes souhaitant s’opposer à ce qu’elle a baptisé la « technopolice », terme désignant la vidéosurveillance, les dispositifs algorithmiques de surveillance ou encore la reconnaissance faciale.

Au total, trois plaintes ont été préparées par La Quadrature du Net et déposées symboliquement samedi soir en clôture de son festival « Technopolice », qui se tenait à Marseille. La démarche est de fait particulièrement ambitieuse. Les plaintes s’attaquent en effet à plusieurs des piliers de la surveillance numérique ayant envahi nos villes ces dernières décennies.

La première a tout simplement pour ambition de faire « retirer l’ensemble de caméras déployées en France », et ainsi de mettre un terme à la vidéosurveillance. Pour cela, la réclamation devant la Cnil se fonde sur le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui impose à tout traitement de données un certain nombre de bases légales. Toute collecte de données doit ainsi répondre à un intérêt légitime ou encore remplir une mission d’intérêt public.

Or, comme le rappelle la plainte, l’efficacité de la vidéosurveillance dans la lutte contre l’insécurité n’a jamais été démontrée. Elle a même été démentie par plusieurs études universitaires. La Cour des comptes elle-même, dans une étude de 2020 sur les polices municipales, n’avait trouvé « aucune corrélation globale […] entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». En 2021, une autre étude, cette fois commandée par la gendarmerie, concluait que « l’exploitation des enregistrements de vidéoprotection constitue une ressource de preuves et d’indices peu rentable pour les enquêteurs ».

« Or, en droit, il est interdit d’utiliser des caméras de surveillance sans démontrer leur utilité, plaide La Quadrature sur le site de son projet Technopolice lancé il y a trois ans. En conséquence, l’ensemble des caméras autorisées par l’État en France semblent donc être illégales. »

« Dans notre argumentaire, nous nous appuyons sur une décision rendue il y a quatre ans par la cour administrative d’appel de Nantes qui concernait la commune de Ploërmel, explique à Mediapart Noémie Levain, juriste et membre de La Quadrature. Elle avait confirmé l’annulation d’une autorisation préfectorale d’installation de la vidéosurveillance dans la ville au motif, notamment, qu’aucun lien n’était établi entre celle-ci et la baisse de la délinquance. Elle n’était ni nécessaire ni légitime et donc illégale. Nous reprenons ce raisonnement pour l’étendre à toute la France. »

« Pour installer un système de vidéosurveillance, la ville doit demander une autorisation au préfet, qui doit normalement décider de la finalité, du lieu, de la durée…, détaille encore la juriste. Mais, dans les faits, cette autorisation préfectorale est juste formelle. Elle est toujours accordée. Ce qui, pour nous, rend ces actes illégaux. »

« Pour ramener ça au niveau national – la décision de la cour administrative d’appel de Nantes étant locale –, nous soulignons que le ministre de l’intérieur est co-responsable du traitement des données avec les communes, via les préfets qui dépendent de lui, explique encore Noémie Levain. De plus, il y a une très forte incitation de la part du gouvernement visant à pousser les communes à s’équiper via des aides financières. Celles-ci représentent généralement 60-70 % du financement, souvent versé par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). »

Un éventuel démantèlement du réseau de caméras de vidéosurveillance, même partiel, aurait pour conséquence de rendre inopérant un autre des aspects de la « technopolice » : la vidéosurveillance algorithmique. Celle-ci consiste en l’utilisation de « caméras intelligentes » et de logiciels capables d’analyser les images pour repérer les comportements suspects. En l’absence de caméras, « qui en sont le support matériel », souligne La Quadrature, ces logiciels deviendraient logiquement caducs.

Le traitement d’antécédents judiciaires et la reconnaissance faciale

La deuxième plainte de l’association vise le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), un fichier dans lequel est inscrite toute personne impliquée dans une enquête judiciaire, qu’elle soit mise en cause, juste suspectée ou même victime. Le TAJ est accessible aux forces de police et de gendarmerie et aux services de renseignement, ainsi que dans le cadre des enquêtes administratives menées lors du recrutement à certains postes sensibles.

« Nous attaquons tout d’abord sa disproportion, explique Noémie Levain. Ce fichier comporte plus de 20 millions de fiches, avec aucun contrôle et énormément d’erreurs. Beaucoup de fiches n’ont aucun lien avec une infraction. Et il y a ces dernières années de plus en plus de témoignages de policiers prenant en photos des cartes d’identité de manifestants. »

À travers le TAJ, la plainte vise également la reconnaissance faciale. En effet, le décret du 7 mai 2012 lui ayant donné naissance, en fusionnant deux autres fichiers, précise que peut y être enregistrée la « photographie comportant des caractéristiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale ».

Et depuis, sur cette seule base légale, les policiers multiplient les recours à la reconnaissance faciale. Selon un rapport sénatorial rendu au mois de mai 2022, 1 680 opérations de reconnaissance faciale seraient ainsi effectuées quotidiennement par les forces de police.

« Le TAJ, c’est une porte d’entrée pour la reconnaissance faciale qui a été ouverte par une simple petite phrase du décret de 2012, pointe Noémie Levain. Nous disons que cette petite phrase ne suffit absolument pas. Il faut un grand débat. D’autant plus qu’avec l’explosion de la quantité d’images issues de la vidéosurveillance, et celles des réseaux sociaux, nous avons changé d’échelle. Cette omniprésence des caméras dans notre société fait craindre une vidéosurveillance de masse. »

Le « fichier des gens honnêtes »

Enfin, la troisième plainte vise le fichier des titres électroniques sécurisés (TES). Créé en 2005, celui-ci incorporait initialement les données personnelles des titulaires de passeports, puis leurs données biométriques avec l’introduction du passeport électronique. En octobre 2016, un décret avait étendu son champ d’application aux cartes d’identité, malgré une vaste mobilisation de la société civile.

Comme le soulignait à l’époque ses opposants, au fur et à mesure des renouvellements de cartes d’identité, c’est l’ensemble de la population française dont les données biométriques seront à terme enregistrées dans le TES, créant ainsi un gigantesque « fichier des gens honnêtes ». Ces données sont de plus stockées de manière centralisée. Le dispositif avait même été critiqué par la Cnil et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi).

L’extension du fichier TES aux cartes d’identité avait à l’époque été justifiée par la lutte contre l’usurpation d’identité et le trafic de faux papiers. Or, selon La Quadrature du net, « ce risque, qui était déjà extrêmement faible en 2016, a entièrement disparu depuis qu’une puce – qui contient le visage et les empreintes – est désormais présente sur les passeports et permet de remplir la même fonction de façon décentralisée ».

En résumé, La Quadrature estime qu’une lecture des données inscrites dans la puce est suffisante à l’authentification du titulaire et qu’un fichier centralisé est désormais inutile et n’a donc plus de base légale. De plus, souligne-t-elle, la présence des photos fait craindre une utilisation du fichier TES par les forces de l’ordre. « Créer un fichier avec les photos de tous les Français ne peut avoir d’autre but que la reconnaissance faciale », pointe Noémie Levain.

Si actuellement les forces de l’ordre n’y ont normalement pas accès, la tentation est en effet grande d’interconnecter le fichier TES avec d’autres fichiers de police. À l’occasion d’un rapport parlementaire sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité rendu en octobre 2018, les auteurs signalaient qu’il leur avait été « suggéré » lors des auditions, « pour aller plus loin dans la fiabilisation de l’état civil des personnes mises en cause, de créer une application centrale biométrique qui serait interconnectée avec les données d’identité du fichier TES ».

Reste à savoir quel sort la Cnil réservera à ces plaintes. La commission dispose en effet de pouvoir limités vis-à-vis des fichiers des forces de l’ordre et des services de renseignement. Longtemps, elle a disposé d’un pouvoir d’appréciation a priori des projets gouvernementaux qui devaient lui être soumis, appréciation validée par elle à travers un « avis conforme ». Mais celui-ci lui a été retiré en 2004 et, désormais, le travail de la Cnil sur les traitements de données régaliens se limite à un rôle de conseil et d’accompagnement du gouvernement.

« Depuis 2004, la Cnil a perdu une grande partie de ses pouvoirs, constate Noémie Levain. Elle peut rendre des avis, des rapports parfois très critiques… Mais le gouvernement peut toujours passer outre. L’idée de cette plainte est qu’elle aille voir les pratiques. Un des problèmes est l’opacité des pratiques de la police. La Cnil dispose des pouvoirs d’investigation pour aller voir ce qu’il se passe. Après ses conclusions, il s’agira d’une question de volonté politique de sa part. On verra si elle instaurera un rapport de force. »

« La Quadrature tape souvent sur eux, mais nous pensons qu’il y a à la Cnil des gens qui font les choses biens, poursuit la juriste. Là, nous lui apportons les éléments pour aller voir ce qu’il se passe. Notre but est de faire du bruit, de peser sur le débat public. D’autant plus que les Jeux olympiques vont être l’occasion de l’expérimentation de tout un tas de technologies. On a déjà vu la Cnil rendre de bonnes décisions. Avec cette plainte, on lui donne la clef pour le faire. »

Article publié dans la revue Mediapart par Jérôme Hourdeaux

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June 20, 2023 at 10:39:06 AM GMT+2

En Chine, le fléau des mannequins sexualisés crée par l’IAhttps://www.courrierinternational.com/article/sexisme-en-chine-le-fleau-des-mannequins-sexualises-cree-par-l-ia

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Sexisme. En Chine, le fléau des mannequins sexualisés crée par l’IA

Le recours à l’intelligence artificielle tend à amplifier les “préjugés culturels” qui existent déjà dans la société chinoise, déplore “Sixth Tone” : les top-modèles y font notamment face à la concurrence de robots générés par une IA de type “poupée”.

“Les robots générés par intelligence artificielle, aux yeux de biche et à la poitrine généreuse, sont en passe de remplacer les mannequins humains dans les magazines, les catalogues et les campagnes publicitaires en ligne”, constate le média en ligne chinois Sixth Tone.

Ces derniers mois, les images générées par l’intelligence artificielle ont pris d’assaut l’industrie chinoise de la mode. Sur les réseaux sociaux chinois, le hashtag “#AIModel” a été consulté des millions de fois.

Mais derrière cet engouement se cache un véritable fléau. Selon Sixth Tone, “tous les mannequins IA, sans exception ou presque, répondent à un certain idéal de beauté féminine, très sexualisé, qui fait la part belle aux tailles de guêpe, aux hanches larges et aux décolletés aguichants. De nombreuses Chinoises affirment que ces images les dérangent et craignent que la mode assistée par IA ne renforce des critères de beauté malsains et irréalistes.”

Une technologie qui s’est imposée rapidement en Chine

Les top-modèles créés à l’aide de l’intelligence artificielle ne sont pas propres à la Chine, et le concept n’est pas nouveau. Levi’s a récemment lancé une campagne présentant des images générées par IA, tandis qu’une “top-modèle IA” a fait la couverture de l’édition singapourienne de Vogue en mars. Mais la technologie s’est imposée beaucoup plus rapidement en Chine que dans la plupart des autres pays, remarque le média basé à Shanghai.

En 2020, le géant chinois du commerce électronique Alibaba a ainsi introduit un générateur numérique de mannequins sur ses plateformes, rapporte Sixth Tone. Cet outil gratuit, baptisé Taji, permet aux vendeurs de choisir parmi 100 top-modèles virtuels de différents âges et ethnies. Ils peuvent ensuite télécharger les photos de leurs produits et Taji génère une série d’images du mannequin portant les vêtements figurant sur les photos.

Mais ces top-modèles issus de l’IA se ressemblent souvent étrangement, déplore le média chinois. La plupart du temps, il s’agit de femmes blanches aux yeux bleus, aux cheveux blonds et aux longues jambes, ou de mannequins asiatiques aux yeux immenses, à la forte poitrine et à la silhouette élancée.

Dégâts sociaux

Les experts soulignent, auprès de Sixth Tone, qu’il s’agit là d’une caractéristique des contenus générés par l’IA : l’outil tend à amplifier les “préjugés culturels” qui existent déjà dans la société.

“Les spécialistes de la question de l’égalité des sexes s’inquiètent des dégâts sociaux que pourraient causer les mannequins de type ‘poupée’ issus de l’IA, explique Sixth Tone. La Chine enregistre déjà une flambée des troubles alimentaires chez les adolescentes et les jeunes femmes, encouragée par les ‘défis beauté’ extrêmes, qui font fureur sur les réseaux sociaux.”
Lire aussi : Emploi. Comment les entreprises chinoises veulent attirer les experts de l’IA

Xu Ke, une étudiante en master à l’Académie chinoise des arts, constate qu’il y a de plus en plus de femmes qui s’élèvent contre le problème du regard masculin. “Peut-être qu’à l’avenir, espère-t-elle, quand davantage de femmes s’impliqueront dans la création de contenu par IA, elles formeront des modèles d’apprentissage automatique qui correspondront à une optique féministe.”

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June 20, 2023 at 9:50:02 AM GMT+2

The Ministry for the Future : La somme de tous les miracles | PrototypeKbloghttps://prototypekblog.wordpress.com/2022/08/30/the-ministry-for-the-future-la-somme-de-tous-les-miracles/

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The Ministry for the Future : La somme de tous les miracles

Publié le mardi 30 août 2022 par prototypekblog

« The Ministry for the Future » est un roman de science-fiction publié en octobre 2020, écrit par Kim Stanley Robinson (KSR), écrivain américain, né en 1952. J’imagine qu’il sera traduit en français bientôt, sous le titre « Le Ministère pour le Futur ».

J’ai lu The Ministry en cet été 2022, après l’avoir commencé et vite abandonné, faute d’énergie, pendant l’hiver. C’est un roman brillant, que j’ai beaucoup apprécié. Il est vertigineux par son sujet – le changement climatique au XXIème siècle. Il est parfois déroutant par les manières de KSR – ses digressions, ses monologues d’entités abstraites (« qui je suis-je ? je suis un photon »), ses tableaux bucoliques, ses démontages psychologiques. Il est touchant par sa tendresse, notamment envers les lieux. La trilogie climatique était un bel hommage à la ville de Washington D.C. ; The Ministry est un hymne passionné à la ville de Zurich, et à la Suisse en général.

J’ai aimé ce livre, et le but de ce billet est de donner envie à un éventuel lecteur de s’y intéresser. Je ne parle dans ce blog que des livres que j’ai aimés, quand j’ai le temps – ceux que je n’ai pas aimés, je n’en parle pas, sauf exception.

Futur immédiat

J’ai lu il y a quelques années deux des œuvres les plus connues de KSR : en 2016, sa « trilogie martienne » (Red Mars, Blue Mars, Green Mars — pas évoquée ici, faute de temps), et en 2017 sa « trilogie climatique » (Forty signs of rain, Fifty degrees below, Sixty days and counting — évoquée ici). Ces livres, comme la plupart des livres de « science-fiction », se déroulaient dans le futur. Un futur plus ou moins lointain, plus ou moins précis, mais nettement dans le futur. La trilogie martienne, publiée entre 1992 et 1996, envisage une première installation sur Mars en 2026, soit trente ans plus tard, et décrit les décennies suivantes. La trilogie climatique, publiée entre 2004 et 2007, se déroule dans un futur proche, non daté, de mémoire une ou deux décennies dans le futur.

The Ministry for the Future, publié en octobre 2020, est un roman du futur immédiat. Moins d’une décennie. Quelques années. À peine.

Le futur s’est rapproché. Le futur n’est plus ce qu’il était. Le futur, c’est maintenant.

The Ministry a deux points de départ, l’un daté, l’autre pas.

Le premier point de départ est une décision prise en 2023, lors de la « COP 29 », dans un cadre légal dérivé des « accords de Paris » de décembre 2015 (« COP 21 ») (articles 14, 16, 18, etc), de créer une petite institution onusienne dotée d’une mission sibylline : défendre les intérêts et les droits des générations futures.

Be it resolved that a Subsidiary Body authorized by this twenty-ninth Conference of the Parties serving as the meeting of the parties to the Paris Climate Agreement (CMA) is hereby established, to work with the Intergovernmental Panel on Climate Change, and all the agencies of the United Nations, and all the governments signatory to the Paris Agreement, to advocate for the world’s future generations of citizens, whose rights, as defined in the Universal Declaration of Human Rights, are as valid as our own. This new Subsidiary Body is furthermore charged with defending all living creatures present and future who cannot speak for themselves, by promoting their legal standing and physical protection.” Someone in the press named this new agency “the Ministry for the Future,” and the name stuck and spread, and became what the new agency was usually called. It was established in Zurich, Switzerland, in January of 2025. Not long after that, the big heat wave struck India.

« (…) La nouvelle Entité sera chargée de défendre les futures générations de citoyens de ce monde, dont les droits, tels que définis dans la Déclaration Universelle des Droits Humains, sont aussi légitimes que les nôtres. Cette nouvelle Entité est par ailleurs chargée de défendre toutes les créatures vivantes présentes et futures, qui ne peuvent parler pour elles-mêmes, en promouvant leur statut légal et leur protection physique. » Quelqu’un dans la presse a nommé cette nouvelle agence « le Ministère pour le Futur », et le nom est resté, et est devenu le nom usuel utilisé pour parler de cette nouvelle agence. Elle fut établie à Zurich, en Suisse, en janvier 2025. Quelque temps après, la grande vague de chaleur frappait l’Inde.

Le deuxième point de départ est un accident climatique. Un dôme de chaleur se forme sur une région de l’Inde. En quelques jours, vingt millions de personnes sont tuées. Déshydratées, asphyxiées, étouffées, brûlées. Mortes. En quelques jours, plus d’êtres humains sont tués par un phénomène climatique, que jadis en quatre ans par la Première Guerre Mondiale. Un accident. Un phénomène. Un évènement météorologique.

Bienvenue dans les années 2020s.

The Ministry for the Future a été publié en octobre 2020. À l’époque (au moment où j’écris ces lignes, c’était il y a à peine deux ans !), le concept de « dôme de chaleur » était encore assez peu connu, et d’ailleurs l’expression n’est pas utilisée dans le livre telle quelle, et je ne sais pas si elle est dans la nomenclature météorologique officielle. Mais il y avait déjà eu quelques épisodes. Un système anticyclonique piège une masse d’air chaud qui n’en finit plus de se réchauffer, jour après jour, tout en gardant une forte humidité.

Pendant l’été 2021, un dôme de chaleur sur l’Ouest du continent nord-américain a fait plusieurs centaines de morts. Jusqu’à 50°C le jour ; jamais moins de 30°C la nuit. La petite ville de Lytton, en Colombie-Britannique, restera dans les livres d’Histoire pour avoir été détruite, incendiée par le dôme de chaleur de 2021.

Quant à l’été 2022, il est trop tôt pour en faire le bilan. Certaines des canicules observées à l’Ouest du continent européen rentrent probablement dans cette catégorie. Je ne sais comment sont qualifiés les phénomènes observés en Inde au printemps, au Pakistan et en Californie cette semaine, dans la très opaque République Populaire de Chine ces derniers mois. L’été 2022 n’est pas terminé.

Vancouver et Bordeaux sont sur le 45ème parallèle. Les tropiques, c’est le 23ème parallèle. Plus de la moitié de l’Inde est sous les tropiques – je n’ai pas trouvé combien ça fait de millions d’êtres humains.

Est-ce que les dômes de chaleur de ces derniers étés ont fait progresser la conscience de la menace existentielle qu’est le réchauffement climatique ? Je ne sais pas. Qu’est-ce qu’il faudra ? Je ne sais pas.

For a while, therefore, it looked like the great heat wave would be like mass shootings in the United States — mourned by all, deplored by all, and then immediately forgotten or superseded by the next one, until they came in a daily drumbeat and became the new normal.

Pendant un moment, il semblât que la grande vague de chaleur serait comme les tueries de masse aux Etats-Unis : pleurée par tous, déplorée par tous, et puis immédiatement oubliée ou remplacée par la suivante, jusqu’à ce qu’elles deviennent comme un roulement de tambour quotidien, la nouvelle normalité.

Le siècle de la terraformation

Écrite au début des années 1990s, s’étalant sur plus d’un siècle, la trilogie martienne était un manuel de terraformation de Mars. Elle tenait compte de ce qu’on savait à la fin des années 1980s de la planète Mars. Et elle tenait compte de ce qu’on pouvait supposer à la même époque des ressources technologiques et industrielles qui pourraient être mises en œuvre – mais aussi, par exemple, des rapports géopolitiques : ainsi les premiers colons comportaient un tiers d’Américains, un tiers de Russes, un tiers du reste du monde. Et KSR laissait le moins de place possible à l’imagination brute ou aux bidouilles magiques.

The Ministry for the Future, écrit trente ans plus tard, peut être vu comme un manuel de terraformation de la Terre. Avec la même méthode : ce qu’on sait maintenant, ce qu’on peut anticiper maintenant, et le moins possible de magie.

Autrement dit : comment rattraper trois décennies gaspillées, trois décennies de gaspillages, trois décennies honteuses.

De monde meilleur on ne parle plus, Tout juste sauver celui-là

Ce que ce roman décrit à mots feutrés, c’est un monde de catastrophes « naturelles » effroyables. C’est un monde grippé, titubant, remis en cause à toutes sortes de niveaux. Le changement climatique, ce n’est pas juste le changement climatique, c’est le changement de tout. C’est un monde de dépressions économiques et d’effondrements divers et de pénuries et de drames.

C’est un monde de guerre civile mondiale larvée. C’est un monde, où, par exemple, les sociétés civiles ne se contenteront plus de dénoncer les jets privés à coup de comptes Twitter automatiques ; elles se donneront les moyens de les détruire à coups d’essaims de drones. C’est un monde où les réfugiés climatiques ne seront plus des millions, mais des dizaines et des centaines de millions.

C’est un monde dévasté.

The thirties were zombie years. Civilization had been killed but it kept walking the Earth, staggering toward some fate even worse than death.

Les années 2030s furent des années zombies. La civilisation avait été tuée mais elle continuait à errer sur la Terre, titubant vers un destin pire que la mort.

Bienvenue dans les années 2030s.

Le livre parcourt un certain nombre de chantiers qui vont devoir être mis en œuvre dans les prochaines décennies : d’une part, non pas pour arrêter le changement climatique, mais pour le ralentir ; d’autre part, non pas pour s’adapter au changement climatique, mais plutôt pour permettre la survie d’une forme de civilisation, et empêcher les aspects les plus catastrophiques, les plus irréversibles et les plus meurtriers. Terraformer la Terre, pour qu’elle reste habitable.

Dans le désordre :

  • Comment maintenir le plus de glaciers possibles en Antarctique, étant entendu que si rien n’est fait la hausse du niveau des océans se chiffrera en mètres, pas en centimètres.
  • Comment garder un semblant de calotte glacière blanche sur l’Arctique, permettant de renvoyer le plus possible d’énergie solaire vers l’espace, étant entendu que l’albédo d’un océan est dérisoire par-rapport à celui d’une banquise.
  • Comment développer des formes d’agriculture qui laissent le plus possible de carbone dans les sols.
  • Comment arrêter l’exploitation d’hydrocarbures fossiles, malgré les monstres capitalistes et géopolitiques qui en dépendent.
  • Comment mettre les nuisibles hors d’état de nuire.
  • Etc etc etc. . . . – – – . . .

Le livre, encore une fois très touffu – mais c’est la manière de faire de KSR – décrit avec une acuité particulière le monde contemporain, le monde de 2020. Le livre parle des données fondamentales de ce monde : l’injustice, l’inégalité, l’aveuglement. Le livre parle de données structurantes mais facile à oublier dans le brouhaha. Le poids et la mémoire des vieux colonialismes, par exemple – ce n’est pas un hasard si deux des principaux acteurs du Ministère sont une Irlandaise et un Indien, avec quelques souvenirs de l’impérialisme britannique qu’ils n’ont pas connu.

Les esprits sont occupés par les vieilles structures, les vieux conflits, les vieilles habitudes.

Le livre décrit les rapports des force, et le sommet du pouvoir réel de ce monde : les banques centrales. Les rapports de force entre la demi-douzaine de banques centrales qui structurent ce monde. Et, par exemple, au sein de l’un d’entre elles, la BCE, la vieille rivalité entre France et Allemagne, le reste n’étant qu’anecdotique, ce qui m’a fait penser à cette sentence attribuée à Charles de Gaulle :

L’Europe, c’est la France et l’Allemagne. Le reste, c’est les légumes.

Bref, ce livre vous apprendra beaucoup sur le monde tel qu’il est, et ce qu’il pourrait devenir.

Ce livre est-il optimiste ou pessimiste ? Est-il réaliste ou utopiste ? Est-il trop, ou pas assez ? Qu-est-ce qu’il sous-estime, et qu’est-ce qu’il sur-estime ? Est-ce que ces questions ont un sens ? C’est une œuvre de fiction bien informée, par un des maîtres contemporains de la science-fiction (« sci-fi ») et de la climate-fiction (« cli-fi »). C’est un roman.

  • 1960: 315 ppm
  • 1990: 355 ppm (+40)
  • 2020: 415 ppm (+60)

Au dernier quart du livre, le taux de CO2 culmine pendant sept ans vers 475 ppm, avant de commencer à redescendre. Après cinq années de descente, à 454 ppm, un soulagement se répand au Ministère.

« Next stop three-fifty! » he cried, giddy with joy. He had been fighting for this his whole career, his whole life. As had so many.

Le livre se termine plutôt bien. J’ai fini ce livre, en cet été 2022, en vacances, avec un immense malaise. J’avais eu la chance de traverser la France, cet été, dans une grosse bagnole climatisée. J’ai vu des milliers d’autres grosses bagnoles climatisées. J’ai passé des vacances pas très loin d’un aéroport, j’ai vu passer pas mal d’avions dans le ciel. J’ai aussi vu passer, plusieurs fois, le ballet des Canadairs. L’air m’a semblé tellement irrespirable, tellement suffocant, pendant ces quelques semaines luxueuses dans le Sud de la France, et pourtant on n’a guère dépassé les 40°C. Je n’arrêtais pas de penser : je suis né dans un monde à 325 ppm, et voilà à quoi ressemble un monde à 425 ppm, et tout le monde continue à s’en foutre ?

J’ai traversé, au retour, un pays grillé par la sécheresse. Ça brûlait encore dans les Gorges du Tarn. Mais les passagers des grosses bagnoles climatisées ne se rendent compte de rien ; ceux des avions encore moins. Ils ne se rendent pas compte de l’état réel du monde – « vite, mets la clim’ » ; et ils ne se rendent pas compte qu’ils font partie des causes de l’état du monde – « tu vas pas encore nous saouler avec le CO2 » ? Ignorance is bliss.

Have you ever stood and stared at it, Morpheus? Marveled at its beauty? Its genius? Billions of people, just living out their lives… oblivious.

La somme de toutes les peurs

J’ai intitulé ce billet « La somme de tous les miracles » parce que c’est ce que j’ai ressenti, personnellement, en lisant ce livre. Il faudra désormais tellement de miracles pour échapper à la catastrophe ! Plus on attend, plus il en faudra. Mais peut-être que c’est juste mon pessimisme qui s’exprime. ( Parenthèse : J’ai réalisé aussi que j’ai un problème avec le concept de miracle. Il émerge souvent dans ce blog, surtout quand je me frotte au thème de l’effondrement. C’est peut-être une déformation professionnelle. Je n’aime pas les miracles. Je ne veux pas croire aux miracles. J’y reviendrai peut-être. Fin de la parenthèse. )

J’ai intitulé ce billet « La somme de tous les miracles » aussi en référence au dernier roman de Tom Clancy sur la guerre froide, publié en 1991 (et qui vaut beaucoup plus que le film assez pitoyable avec Ben Affleck sorti une dizaine d’années plus tard), intitulé « La somme de toutes les peurs ». Un roman bien ficelé sur le risque de guerre thermonucléaire. Toute une époque.

J’ai grandi dans un monde dominé par une menace existentielle, une seule : la guerre thermonucléaire. Depuis les années 1950s, l’humanité a les moyens techniques de s’auto-détruire. Depuis les années 1970s, nous vivons en permanence à une demi-heure de l’apocalypse thermonucléaire. Les moyens de l’autodestruction sont toujours en place. L’humanité est passée à trois reprises au moins très près de l’autodestruction thermonucléaire : octobre 1962, octobre 1973, octobre 1983. Et le président Poutine a rappelé bruyamment au monde en février 2022 que cette possibilité technique existe encore.

Depuis les années 1980s, l’humanité sait – ou plutôt, a la capacité de savoir, s’il n’y avait une somme d’intérêts essentiellement capitalistes qui tentent toujours d’étouffer la connaissance scientifique – l’humanité sait qu’une deuxième menace existentielle existe : le chaos climatique.

Aujourd’hui, je vois ces deux menaces existentielles sur le même plan. Je n’en vois pas de troisième, à part peut-être les fascismes.

Par existentielles, j’entends que, en cas de basculement, ce sera irrémédiable, irréversible, sans retour. La planète survivra, des bribes d’écosystèmes et d’humanité subsisteront, mais dans un état pitoyable. La civilisation aura cessé d’exister. Au XXème siècle, en octobre 1962, en octobre 1973, en octobre 1983, ça aurait pu être sans retour. Au XXIème siècle, y aura-t-il des instants aussi précis où cela pourrait être sans retour ?

Jusqu’ici la menace existentielle de la guerre thermonucléaire a pu être surmontée. La Guerre Froide a été une somme de peurs ; elle a aussi été une somme de miracles. La fort regrettable ivresse des années 1990s partait aussi un peu de ça : le constat d’un miracle. La perspective d’une guerre thermonucléaire semblait définitivement repoussée.

Alors le chaos climatique ?

Il est trop tard ? Non, il n’est pas trop tard. Tout ce qui peut être fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre doit être fait. Tout ce qui peut faire pour adapter les écosystèmes et les sociétés humaines à des conditions climatiques radicalement dangereuses doit être fait. Il n’y a pas de choix entre ralentir et s’adapter : il faut ralentir et s’adapter. Il n’y a pas de choix entre sobriété et nouvelles sources d’énergie : il faut consommer moins et produire mieux. Il ne faut pas se laisser piéger par les faux dilemmes. Il ne faut plus se laisser mener par les faux prophètes des religions climatocides type néolibéralisme.

On n’y peut rien ? Non, on n’y peut pas rien. Les moyens existent. Il va falloir les mettre en œuvre. Les ressources existent. Il va falloir les prendre. Les nuisibles, les « criminels climatiques » sont connus. Il va falloir mettre les nuisibles hors d’état de nuire, autant qu’il va falloir arrêter de nuire aux plus humbles niveaux.

The Ministry, comme tous les livres de KSR, est truffé de méditations surprenantes. Je ne sais pas quoi retenir d’une des dernières du livre, alors que je la partage ici :

He was definitely saying something. That we could become something magnificent, or at least interesting. That we began as we still are now, child geniuses. That there is no other home for us than here. That we will cope no matter how stupid things get. That all couples are odd couples. That the only catastrophe that can’t be undone is extinction. That we can make a good place. That people can take their fate in their hands. That there is no such thing as fate.

Il était clairement en train de dire un truc important. Que nous pouvons devenir quelque chose de magnifique, ou au moins d’intéressant. Que nous avons commencé, comme nous sommes maintenant, comme des apprentis sorciers. Qu’il n’y a pas d’autre planète pour nous accueillir. Que nous ferons face, quels que soient les degrés de stupidité à venir. Que tous les couples sont des couples bizarres. Que la seule catastrophe irréversible serait l’extinction. Que nous pouvons faire de cette planète un bel endroit. Que les gens ont leur destin entre leurs mains. Que le destin, ça n’existe pas.

Bonne nuit.

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June 20, 2023 at 9:43:37 AM GMT+2

Peut-on limiter l’extension de la « société de la notation » ? | InternetActu.nethttps://www.internetactu.net/2020/09/23/peut-on-limiter-lextension-de-la-societe-de-la-notation/

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Peut-on limiter l’extension de la « société de la notation » ?

Vincent Coquaz (@vincentcoquaz) et Ismaël Halissat (@ismaelhat), journalistes à Libération livrent dans La nouvelle guerre des étoiles (Kero, 2020) une bonne enquête sur le sujet de la notation : simple, claire, accessible, grand public. Leur synthèse prend la forme d’un reportage informé et rythmé, proche du journalisme d’investigation télé auquel nous ont habitué des émissions comme Capital ou Cash Investigation. Reste que derrière les constats que délimitent leur enquête, notamment celui du manque de fiabilité de la notation, se pose une question de fond : comment border, limiter ou réguler cette « société de la notation » qui se met en place ?

La société de la notation

L’invention de la notation remonte au XVe siècle, sous l’impulsion des Jésuites et de la contre-réforme, qui, pour lutter contre l’expansion protestante, vont fonder des collèges dans toute l’Europe, et vont utiliser la notation pour évaluer leurs élèves, comme le pointe le spécialiste des pratiques pédagogiques Olivier Maulini. Pour distinguer et classer les élèves, la notation s’impose, et avec elle le tri et la compétition, appuie le sociologue spécialiste des politiques éducatives Pierre Merle dans Les pratiques d’évaluation scolaire (PUF, 2018). Il faudra attendre le début du XIXe siècle pour que se mette en place le barème sur 20 qui va se répandre dans tout le système scolaire à la fin du siècle. La généralisation d’une échelle plus précise va surtout permettre de renforcer la discrimination et l’individualisation, la différenciation et la hiérarchisation. La moyenne, quant à elle, apparaît au début du XXe siècle et consacre « le classement sur le savoir », puisque celle-ci va permettre d’additionner par exemple des notes en math avec des notes en sport… ce qui semble loin d’une quelconque rigueur mathématique ou scientifique. Plus omniprésente que jamais, la note va pourtant voir sa domination contestée. À la fin des années 90, de nouvelles formes d’évaluation alternatives, comme les niveaux de compétences (distinguant les notions acquises de celles qui ne le sont pas) se répandent, mais demeurent limitées et marginales par rapport à la gradation chiffrée.

Si la notation n’est pas née avec le numérique, celui-ci va être un incroyable accélérateur de « la société de la notation » et va favoriser son essor bien au-delà de la seule sphère scolaire où elle est longtemps restée limitée (la note s’étant peu imposée dans le monde du travail avant l’essor du numérique). Amazon, dès 1995, propose aux acheteurs de noter sur 5 étoiles les produits qu’ils commandent. TripAdvisor en 2000, Yelp en 2004 élargiront ces possibilités aux restaurants et hôtels. En 2008, ebay proposera aux utilisateurs de noter les vendeurs… avant que toutes les plateformes de l’économie collaborative n’emboîtent le pas à la fin des années 2000. En quelques années finalement, la note et le classement se sont imposés dans la société, tant et si bien qu’elles semblent désormais être partout. Comme si avec l’essor de la note et du classement, venait une forme de libération de l’efficacité de l’évaluation… Ce n’est pourtant pas le constat que dressent les journalistes.

En se répandant partout, la note semble avoir généré ses propres excès affirment-ils. Partout où leur enquête les pousse, des médecins aux restaurateurs en passant par les services de livraison, le succès des notations par les consommateurs laisse entrevoir combien la note est devenue à la fois un Graal et une guillotine, gangrénée par les avis bidon, par un marketing d’affiliation et de recommandation largement invisible aux utilisateurs quand ce n’est pas par une instrumentation pure et simple de ces nouvelles formes d’évaluation. Cette notation anarchique n’est pas sans conséquence, pas seulement sur les établissements, mais également, de plus en plus, sur chacun d’entre nous, qui sommes de plus en plus concernés par ces évaluations de plus en plus individualisées et individualisantes. Dans la plupart des secteurs où se répand la notation par les utilisateurs, la notation des clients a de plus en plus souvent un impact sur une part du salaire des employés ou sur les primes des gens ou secteurs évalués.

L’omerta à évaluer l’évaluation

Le principal problème que soulignent les auteurs, c’est que cette évaluation est bien souvent tributaire d’affects, de contexte ou d’appréciations qui n’ont rien à voir avec ce qui est sensé être évalué. Derrière son apparence de neutralité et d’objectivité, l’évaluation n’a rien de neutre ni d’objectif. Sur Ziosk par exemple, un outil d’évaluation des serveurs de restaurant, certaines des questions posées portent sur la nourriture ou la propreté, qui ne dépendent pas nécessairement des serveurs. Or, pour eux comme pour de plus en plus de ceux qui sont évalués, ces notes ont un impact réel sur une part de leur rémunération voir sur leur emploi. La mathématicienne Cathy O’Neil, auteure de Algorithmes, la bombe à retardement (Les arènes, 2018), le répète depuis longtemps : les évaluations naissent de de bonnes intentions, mais les méthodes échouent à produire des résultats fiables et robustes, ce qui sape leur but originel. L’opacité des calculs empire les choses. Et au final, de plus en plus de gens sont confrontés à des processus d’évaluation très contestables, mais qui les impactent directement, explique encore celle qui réclame la plus grande transparence sur ces systèmes d’évaluation et de notation. Nous en sommes pourtant très loin soulignent les deux journalistes qui constatent combien l’évaluation demeure opaque.

La notation par le consommateur a colonisé l’industrie des services. Désormais, les notes des clients affectent la rémunération des salariés et deviennent un outil de contrôle et de pression managériale. Nous sommes passé d’un outil censé produire de l’amélioration à un outil de contrôle. Et cela ne concerne pas que les enseignes du numérique comme Uber ou Deliveroo, mais également nombre de commerces en relation avec des clients. Le problème de cette notation, pointent Coquaz et Halissat, c’est l’omerta. Derrière les nouveaux standards que tous adoptent, aucune des entreprises qu’ils évoquent dans leur livre n’a accepté de leur répondre sur leurs méthodes. Des centres d’appels des opérateurs télécoms, aux grandes enseignes de livraison d’électroménager, en passant par les concessionnaires automobiles, aux sociétés de livraison ou aux chaînes de distribution…. Voir aux services publics qui le mobilisent de plus en plus, tout le monde se pare derrière le secret quand il est question de regarder concrètement les procédés d’évaluation. Or, le problème des évaluations consiste à toujours contrôler si elles évaluent bien ce qu’elles sont censées évaluer.

Le livreur qui n’aide pas à monter une livraison va se voir mal noté par le client, alors que cela ne fait pas partie de la prestation qu’il doit accomplir. Si le colis est abîmé, il va recevoir également une mauvaise note, alors que le colis a pu être abîmé ailleurs et par d’autres. Le ressenti client est partout, sans aucune transparence sur l’évaluation. Le coeur du problème, relève certainement du déport de l’évaluation sur l’utilisateur, plutôt que de se doter de services d’évaluation compétents. À l’heure où la question de l’évaluation semble partout devenir centrale, la question de l’évaluation peut-elle de plus en plus reposer sur des évaluations sans méthodes et sans science ?

Coquaz et Halissat ont raison de mettre en cause le fameux « Net Promoter Score » (NPS) inventé par le consultant américain Fred Reichheld (@fredreichheld) au début des années 2000 qui va optimiser les vieux questionnaires clients réalisés en papier ou par sondage, au goût du numérique. Le problème, c’est que là encore, le NPS est loin d’une quelconque rigueur mathématique, puisque seuls ceux qui donnent une note optimale (9 ou 10) sont considérés comme des clients qui vous recommanderaient. Pour le NPS, mettre un 0 ou un 6 équivaut dans le score à être un détracteur de la marque ! Malgré cette absence de scientificité, cette méthode à évaluer la loyauté des clients est pourtant très rapidement devenue un « indicateur clé de performance » pour nombre d’entreprises. Malgré les nombreuses critiques qui l’accablent, comme celles du chercheur Timothy Keiningham (@tkeiningham, qui montre que cet indicateur ne prédit aucune croissance pour les firmes qui l’utilisent), comme celles de son inventeur lui-même qui a pris quelques distances avec son indicateur, le NPS semble pourtant étrangement indétrônable.

Derrière l’omerta, le Far West

Cette absence de scientificité de l’évaluation donne lieu à nombre de pratiques délétères que les deux auteurs détaillent longuement… notamment bien sûr, la fabrique de fausses notes, consistant à rémunérer des personnes en échange de commentaires et de bonnes notes. Dans un monde où la note devient un indicateur sur-déterminant, qui préside à la visibilité ou à l’invisibilité et donc à des revenus corrélés à cette visibilité, la notation est devenue un enjeu majeur. Pour nombre de produits, les bonnes notes peuvent multiplier les ventes par 5 ou 10 ! L’enjeu financier autorise alors toutes les pratiques : contributions bidons, moyennes au calcul obscur, labellisation qui auto-alimente ce que l’on pourrait considérer comme une chaîne de Ponzi, une chaîne d’escroquerie où les fausses notes alimentent des chaînes automatisées de recommandation toujours plus défectueuses et opaques, à l’image du label « Amazon’s Choice », une appellation qui récompense les produits les plus vendus et les mieux notés pour les faire remonter dans les résultats, alors que ces notes et ces ventes sont souvent altérées par des pratiques plus que contestables. Coquaz et Halissat montre que si Amazon fait la chasse aux appréciations bidons, c’est visiblement sans grand empressement, tant finalement la tromperie entretient le marché. Amazon n’est pas le seul en cause : toutes les plateformes proposant des évaluations tirent finalement intérêt à laisser passer de fausses évaluations. Malgré l’existence d’outils plus efficaces que les leurs, comme ReviewMeta (dont on peut recommander le blog) ou FakeSpot ou Polygraphe en cours de développement par la DGCCRF, les fausses critiques pullulent et se répandent d’autant plus que la concurrence et la pression marketing s’accélèrent. Face au tonneau des Danaïdes des faux commentaires, beaucoup écopent bien sagement, ayant plus à gagner d’un système défaillant que de sa remise en question. Google My Business est certainement aujourd’hui le plus avancé dans ce Far West d’une notation sans modération, permettant à tout à chacun de noter le monde entier, sans aucun contrôle sur l’effectivité des déclarations ou des déclarants. La grande question du livre consiste à comprendre ce que note la note : derrière l’opacité généralisée, personne ne semble être capable de le dire précisément. On a surtout l’impression qu’on produit des classements imparfaits, voire frauduleux, pour nourrir une machinerie d’évaluation qui accélère et renforce l’iniquité.

Les notations individuelles qu’on poste sur Google permettent au système d’évaluer des taux d’affinités avec d’autres lieux notés, mais sans savoir depuis quels critères et biais, comme s’en émouvait les désigners de l’agence Vraiment Vraiment.

Coquaz et Halissat dressent le même constat en ce qui concerne le développement de la notation des employés, pointant là encore combien ces systèmes d’évaluation des ressources humaines opaques ne sont pas des modèles de méritocratie, mais bien des outils orwelliens qui visent à rendre chacun plus attentif à ce qu’il fait ou dit. Là encore, sur ces systèmes, un même silence et la même opacité se posent sur leur fonctionnement, leurs critères de calculs, l’évaluation des interactions qu’ils génèrent. Nous sommes bien loin d’une quelconque cogouvernance des systèmes, comme le défendait récemment la syndicaliste britannique Christina Colclough.

Malgré les défaillances des mesures, l’évaluation par la satisfaction usager fait également son entrée dans le service public. Et les mêmes défauts semblent y reproduire les mêmes conséquences. L’évaluation par les usagers sert là encore de grille pour rendre compte de la qualité du service public, permettant à la fois de justifier toujours plus d’automatisation et de corréler une bien fragile « performance » à des financements supplémentaires. D’ici fin 2020, tous les services de l’État en relation avec les usagers doivent s’engager à rendre des comptes sur la qualité de services, via des indicateurs de performance et de satisfaction, à l’image de ceux disponibles sur resultats-services-publics.fr ou voxusagers.gouv.fr… Malgré les résistances, dans le monde de l’enseignement et de la médecine notamment, ces mesures se pérennisent, comme c’est le cas à Pôle emploi qui publie régulièrement un baromètre de satisfaction. Au final, ces outils participent d’un mouvement de déréglementation, une alternative au contrôle par les services de l’État ou les services internes aux entreprises. L’évaluation par le client permet finalement avant tout d’externaliser et déréguler l’évaluation. Faite à moindres coûts, elle se révèle surtout beaucoup moins rigoureuse. Au final, en faisant semblant de croire au client/usager/citoyen roi, la notation ne lui donne d’autre pouvoir que de juger les plus petits éléments des systèmes, ceux qui comme lui, ont le moins de pouvoir. L’usager note le livreur, l’agent, le vendeur… L’individu est renvoyé à noter l’individu, comme s’il n’avait plus aucune prise sur l’entreprise, l’institution, l’organisation, le système.

La démocratisation de l’évaluation n’est pas démocratique

En fait, le plus inquiétant finalement, n’est-il pas que la notation apparaît à beaucoup comme la forme la plus aboutie (ou la plus libérale) de la démocratisation ? La note du consommateur, de l’utilisateur, du citoyen… semble l’idéal ultime, ouvert à tous, parfaitement méritocratique et démocratique. L’avis ultime et leur somme semblent attester d’une réalité indépassable. Pourtant, les études sur les avis et commentaires en ligne montrent depuis longtemps que seule une minorité d’utilisateurs notent. Les commentateurs sont souvent très peu représentatifs de la population (voir notamment le numéro de 2014 de la revue Réseaux sur le sujet). Très peu d’utilisateurs notent ou commentent : la plupart se cachent voire résistent. Partout, des « super-commentateurs » (1 à 1,5 % bien souvent produisent de 25 à 80 % des contributions) fabriquent l’essentiel des notes et contenus, aidés par de rares commentateurs occasionnels. L’évaluation qui se présente comme méritocratique et démocratique est en fait parcouru de stratégies particulières et de publics spécifiques. La distribution des commentaires procède d’effets de contextes qui sont rarement mis en avant (comme le soulignait cette étude qui montre que les commentaires de satisfaction suite à des nuitées d’hôtels sont plus nourris et élevés chez ceux qui voyagent en couples que pour ceux qui voyagent seuls et pour le travail). La société de la notation et du commentariat n’est pas le lieu d’une démocratie parfaitement représentative et distribuée, au contraire. Les femmes y sont bien moins représentées que les hommes, les plus jeunes que les plus anciens, et c’est certainement la même chose concernant la distribution selon les catégories socioprofessionnelles (même si certaines études pointent plutôt une faible participation des catégories sociales les plus élevées). Sans compter l’impact fort des effets de cadrages qui favorisent les comportements moutonniers consistants à noter, quand les notes sont visibles, comme l’ont fait les autres. Ou encore, l’impact des modalités de participation elles-mêmes, qui ont bien souvent tendance à renforcer les inégalités de participation (améliorant la participation des plus motivés et décourageant les moins engagés).

La grande démocratisation égalitaire que promet la note, elle aussi repose sur une illusion.

De l’obsession à l’évaluation permanente

Les deux journalistes dressent finalement un constat ancien, celui d’une opacité continue des scores. Une opacité à la fois des méthodes pour établir ces notations comme de l’utilisation des scores, qui, par des chaînes de traitement obscures, se retrouvent être utilisées pour bien d’autres choses que ce pour quoi ils ont été prévus. Nombre de scores ont pour origine l’obsession à évaluer les risques et les capacités d’emprunts des utilisateurs. Les secteurs de la banque, de l’assurance et du marketing ont bâti sur l’internet des systèmes d’échange de données pour mettre en place des systèmes de calcul et de surveillance disproportionnés aux finalités.

Une opacité entretenue notamment par les systèmes de scoring de crédit et de marketing. À l’image de Sift, un algorithme qui attribue aux utilisateurs du net un score de fiabilité sur une échelle de 1 à 100 depuis plus de 16 000 signaux et données. Inconnu du grand public, ce courtier de données permet pourtant aux entreprises qui l’utilisent de bloquer certains profils, sans permettre aux utilisateurs de rectifier ou d’accéder aux raisons de ce blocage. Chaque site utilise le scoring à discrétion et décide de seuils de blocage librement, sans en informer leurs utilisateurs. Sift n’est pas le seul système. Experian propose également une catégorisation des internautes en grandes catégories de consommateurs (Expérian disposerait de données sur 95 % des foyers français). Aux États-Unis, le célèbre Fico Score, né à la fin des années 80 est un score censé prédire la capacité de chaque Américain à rembourser leur crédit… Complexe, obscur, les critiques à son égard sont nourries et ce d’autant plus que ce score peut être utilisé pour bien d’autres choses, comme d’évaluer des candidats qui postulent à un emploi. Un autre courtier, Lexis Nexis, propose aux assureurs par exemple de calculer une note de santé pour leurs clients potentiels, visant à prédire la détérioration de leur santé sur les 12 prochains mois, en prenant en compte des données aussi hétéroclites que leurs revenus, leur historique d’achat, leur casier judiciaire, leur niveau d’étude, leur inscription ou non sur les listes électorales… Autant de données utilisées pour produire des signaux et des inférences. L’un de ses concurrents, Optum, utilise également les interactions sur les réseaux sociaux.

Le problème, bien sûr, c’est la boucle de renforcement des inégalités et des discriminations que produisent ces scoring invisibles aux utilisateurs. « Les mals notés sont mals servis et leur note devient plus mauvaise encore », expliquait déjà le sociologue Dominique Cardon dans a quoi rêvent les algorithmes (Seuil, 2015). Chez Experian, la note la plus basse pour caractériser un foyer est le « S71 », une catégorie qui masque sous son intitulé abscons le bas de l’échelle socio-économique où les 2/3 de ceux qui sont classés ainsi sont célibataires, divorcés ou veufs, où 40 % sont afro-américains (soit 4 fois plus représentés que la moyenne nationale), majoritairement peu éduqués. Cette catégorie par exemple va pouvoir être utilisée pour proposer de la publicité ou des produits dédiés, comme des crédits à la consommation aux taux les plus élevés du marché !

Ces évaluations dénoncées depuis longtemps (la FTC américaine, appelait déjà en 2014 à une meilleure régulation du secteur (.pdf)…), perdurent dans un no man’s land législatif, comme si leur régulation était sans cesse repoussée. À croire que l’opacité est voulue, malgré ses conséquences et ses injustices.

Plutôt que d’ouvrir les discussions sur leur production, finalement, la note semble mettre fin à toute discussion. Comme à l’école !

En devenant un objectif plus qu’une mesure, la notation change de statut tout en perdant finalement le sens de ce qu’elle était censée représentée. Quant à l’opacité des systèmes, nous ne l’avons pas accepté comme le disent les journalistes, mais il nous a été imposé. Derrière la notation, on crée des mécanismes extralégaux, qui permettent de punir automatiquement, sans présomption d’innocence, sans levier ni appel sur ces notations. L’année dernière, le journaliste Mike Elgan (@mikeelgan) dénonçait pour Fast Company le fait que les entreprises de la technologie américaines, finalement, construisaient elles aussi un système de crédit social tout aussi inquiétant et panoptique que celui de la Chine. Si Coquaz et Halissat ont plutôt tendance à minimiser les enjeux du Crédit social chinois, rappelant qu’il relève surtout pour l’instant d’expérimentations locales très diverses (ce qui est exact, mais semble oublier les finalités et l’objectif assignés par la Chine à ces projets), au final, ils montrent que le « panoptique productif » de la note, lui, est déjà largement en place.

Reste à savoir comment remettre le mauvais génie de la notation dans sa bouteille ? En conclusion, les auteurs proposent, en convoquant l’écrivain Alain Damasio, le sabotage. Mais peut-on saboter un système trompeur qui repose déjà sur des données et méthodes largement contestables ?

On a souligné quelques pistes, plus structurantes que le sabotage. Faire revenir les services d’évaluation internes plutôt que les déporter sur les usagers. Les outiller de méthodes et de procédures ouvertes, transparentes, discutables afin qu’elles évaluent bien ce qu’elles sont censées évaluer. Minimiser leur portée et leur croisement pour qu’elles n’entretiennent pas des chaînes d’injustices… Réguler plutôt que déréguler en somme ! Pour sortir de l’hostilité généralisée provoquée par La nouvelle guerre des étoiles, il faut trouver les modalités d’un traité de paix.

Hubert Guillaud

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June 20, 2023 at 9:42:00 AM GMT+2

A Roomba recorded a woman on the toilet. How did screenshots end up on Facebook? | MIT Technology Reviewhttps://www.technologyreview.com/2022/12/19/1065306/roomba-irobot-robot-vacuums-artificial-intelligence-training-data-privacy/

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A Roomba recorded a woman on the toilet. How did screenshots end up on Facebook?

In the fall of 2020, gig workers in Venezuela posted a series of images to online forums where they gathered to talk shop. The photos were mundane, if sometimes intimate, household scenes captured from low angles—including some you really wouldn’t want shared on the Internet.

In one particularly revealing shot, a young woman in a lavender T-shirt sits on the toilet, her shorts pulled down to mid-thigh.

The images were not taken by a person, but by development versions of iRobot’s Roomba J7 series robot vacuum. They were then sent to Scale AI, a startup that contracts workers around the world to label audio, photo, and video data used to train artificial intelligence.

They were the sorts of scenes that internet-connected devices regularly capture and send back to the cloud—though usually with stricter storage and access controls. Yet earlier this year, MIT Technology Review obtained 15 screenshots of these private photos, which had been posted to closed social media groups.

The photos vary in type and in sensitivity. The most intimate image we saw was the series of video stills featuring the young woman on the toilet, her face blocked in the lead image but unobscured in the grainy scroll of shots below. In another image, a boy who appears to be eight or nine years old, and whose face is clearly visible, is sprawled on his stomach across a hallway floor. A triangular flop of hair spills across his forehead as he stares, with apparent amusement, at the object recording him from just below eye level.

The other shots show rooms from homes around the world, some occupied by humans, one by a dog. Furniture, décor, and objects located high on the walls and ceilings are outlined by rectangular boxes and accompanied by labels like “tv,” “plant_or_flower,” and “ceiling light.”

iRobot—the world’s largest vendor of robotic vacuums, which Amazon recently acquired for $1.7 billion in a pending deal—confirmed that these images were captured by its Roombas in 2020. All of them came from “special development robots with hardware and software modifications that are not and never were present on iRobot consumer products for purchase,” the company said in a statement. They were given to “paid collectors and employees” who signed written agreements acknowledging that they were sending data streams, including video, back to the company for training purposes. According to iRobot, the devices were labeled with a bright green sticker that read “video recording in progress,” and it was up to those paid data collectors to “remove anything they deem sensitive from any space the robot operates in, including children.”

In other words, by iRobot’s estimation, anyone whose photos or video appeared in the streams had agreed to let their Roombas monitor them. iRobot declined to let MIT Technology Review view the consent agreements and did not make any of its paid collectors or employees available to discuss their understanding of the terms.

While the images shared with us did not come from iRobot customers, consumers regularly consent to having our data monitored to varying degrees on devices ranging from iPhones to washing machines. It’s a practice that has only grown more common over the past decade, as data-hungry artificial intelligence has been increasingly integrated into a whole new array of products and services. Much of this technology is based on machine learning, a technique that uses large troves of data—including our voices, faces, homes, and other personal information—to train algorithms to recognize patterns. The most useful data sets are the most realistic, making data sourced from real environments, like homes, especially valuable. Often, we opt in simply by using the product, as noted in privacy policies with vague language that gives companies broad discretion in how they disseminate and analyze consumer information.

The data collected by robot vacuums can be particularly invasive. They have “powerful hardware, powerful sensors,” says Dennis Giese, a PhD candidate at Northeastern University who studies the security vulnerabilities of Internet of Things devices, including robot vacuums. “And they can drive around in your home—and you have no way to control that.” This is especially true, he adds, of devices with advanced cameras and artificial intelligence—like iRobot’s Roomba J7 series.
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An MIT Technology Review investigation recently revealed how images of a minor and a tester on the toilet ended up on social media. iRobot said it had consent to collect this kind of data from inside homes—but participants say otherwise.

This data is then used to build smarter robots whose purpose may one day go far beyond vacuuming. But to make these data sets useful for machine learning, individual humans must first view, categorize, label, and otherwise add context to each bit of data. This process is called data annotation.

“There’s always a group of humans sitting somewhere—usually in a windowless room, just doing a bunch of point-and-click: ‘Yes, that is an object or not an object,’” explains Matt Beane, an assistant professor in the technology management program at the University of California, Santa Barbara, who studies the human work behind robotics.

The 15 images shared with MIT Technology Review are just a tiny slice of a sweeping data ecosystem. iRobot has said that it has shared over 2 million images with Scale AI and an unknown quantity more with other data annotation platforms; the company has confirmed that Scale is just one of the data annotators it has used.

James Baussmann, iRobot’s spokesperson, said in an email the company had “taken every precaution to ensure that personal data is processed securely and in accordance with applicable law,” and that the images shared with MIT Technology Review were “shared in violation of a written non-disclosure agreement between iRobot and an image annotation service provider.” In an emailed statement a few weeks after we shared the images with the company, iRobot CEO Colin Angle said that “iRobot is terminating its relationship with the service provider who leaked the images, is actively investigating the matter, and [is] taking measures to help prevent a similar leak by any service provider in the future.” The company did not respond to additional questions about what those measures were.

Ultimately, though, this set of images represents something bigger than any one individual company’s actions. They speak to the widespread, and growing, practice of sharing potentially sensitive data to train algorithms, as well as the surprising, globe-spanning journey that a single image can take—in this case, from homes in North America, Europe, and Asia to the servers of Massachusetts-based iRobot, from there to San Francisco–based Scale AI, and finally to Scale’s contracted data workers around the world (including, in this instance, Venezuelan gig workers who posted the images to private groups on Facebook, Discord, and elsewhere).

Together, the images reveal a whole data supply chain—and new points where personal information could leak out—that few consumers are even aware of.

“It’s not expected that human beings are going to be reviewing the raw footage,” emphasizes Justin Brookman, director of tech policy at Consumer Reports and former policy director of the Federal Trade Commission’s Office of Technology Research and Investigation. iRobot would not say whether data collectors were aware that humans, in particular, would be viewing these images, though the company said the consent form made clear that “service providers” would be.

"It’s not expected that human beings are going to be reviewing the raw footage.”

“We literally treat machines differently than we treat humans,” adds Jessica Vitak, an information scientist and professor at the University of Maryland’s communication department and its College of Information Studies. “It’s much easier for me to accept a cute little vacuum, you know, moving around my space [than] somebody walking around my house with a camera.”

And yet, that’s essentially what is happening. It’s not just a robot vacuum watching you on the toilet—a person may be looking too.

The robot vacuum revolution

Robot vacuums weren’t always so smart.

The earliest model, the Swedish-made Electrolux Trilobite, came to market in 2001. It used ultrasonic sensors to locate walls and plot cleaning patterns; additional bump sensors on its sides and cliff sensors at the bottom helped it avoid running into objects or falling off stairs. But these sensors were glitchy, leading the robot to miss certain areas or repeat others. The result was unfinished and unsatisfactory cleaning jobs.

The next year, iRobot released the first-generation Roomba, which relied on similar basic bump sensors and turn sensors. Much cheaper than its competitor, it became the first commercially successful robot vacuum.

The most basic models today still operate similarly, while midrange cleaners incorporate better sensors and other navigational techniques like simultaneous localization and mapping to find their place in a room and chart out better cleaning paths.

Higher-end devices have moved on to computer vision, a subset of artificial intelligence that approximates human sight by training algorithms to extract information from images and videos, and/or lidar, a laser-based sensing technique used by NASA and widely considered the most accurate—but most expensive—navigational technology on the market today.

Computer vision depends on high-definition cameras, and by our count, around a dozen companies have incorporated front-facing cameras into their robot vacuums for navigation and object recognition—as well as, increasingly, home monitoring. This includes the top three robot vacuum makers by market share: iRobot, which has 30% of the market and has sold over 40 million devices since 2002; Ecovacs, with about 15%; and Roborock, which has about another 15%, according to the market intelligence firm Strategy Analytics. It also includes familiar household appliance makers like Samsung, LG, and Dyson, among others. In all, some 23.4 million robot vacuums were sold in Europe and the Americas in 2021 alone, according to Strategy Analytics.

From the start, iRobot went all in on computer vision, and its first device with such capabilities, the Roomba 980, debuted in 2015. It was also the first of iRobot’s Wi-Fi-enabled devices, as well as its first that could map a home, adjust its cleaning strategy on the basis of room size, and identify basic obstacles to avoid.

Computer vision “allows the robot to … see the full richness of the world around it,” says Chris Jones, iRobot’s chief technology officer. It allows iRobot’s devices to “avoid cords on the floor or understand that that’s a couch.”

But for computer vision in robot vacuums to truly work as intended, manufacturers need to train it on high-quality, diverse data sets that reflect the huge range of what they might see. “The variety of the home environment is a very difficult task,” says Wu Erqi, the senior R&D director of Beijing-based Roborock. Road systems “are quite standard,” he says, so for makers of self-driving cars, “you’ll know how the lane looks … [and] how the traffic sign looks.” But each home interior is vastly different.

“The furniture is not standardized,” he adds. “You cannot expect what will be on your ground. Sometimes there’s a sock there, maybe some cables”—and the cables may look different in the US and China.
family bent over a vacuum. light emitting from the vaccuum shines on their obscured faces.
MATTHIEU BOUREL

MIT Technology Review spoke with or sent questions to 12 companies selling robot vacuums and found that they respond to the challenge of gathering training data differently.

In iRobot’s case, over 95% of its image data set comes from real homes, whose residents are either iRobot employees or volunteers recruited by third-party data vendors (which iRobot declined to identify). People using development devices agree to allow iRobot to collect data, including video streams, as the devices are running, often in exchange for “incentives for participation,” according to a statement from iRobot. The company declined to specify what these incentives were, saying only that they varied “based on the length and complexity of the data collection.”

The remaining training data comes from what iRobot calls “staged data collection,” in which the company builds models that it then records.

iRobot has also begun offering regular consumers the opportunity to opt in to contributing training data through its app, where people can choose to send specific images of obstacles to company servers to improve its algorithms. iRobot says that if a customer participates in this “user-in-the-loop” training, as it is known, the company receives only these specific images, and no others. Baussmann, the company representative, said in an email that such images have not yet been used to train any algorithms.

In contrast to iRobot, Roborock said that it either “produce[s] [its] own images in [its] labs” or “work[s] with third-party vendors in China who are specifically asked to capture & provide images of objects on floors for our training purposes.” Meanwhile, Dyson, which sells two high-end robot vacuum models, said that it gathers data from two main sources: “home trialists within Dyson’s research & development department with a security clearance” and, increasingly, synthetic, or AI-generated, training data.

Most robot vacuum companies MIT Technology Review spoke with explicitly said they don’t use customer data to train their machine-learning algorithms. Samsung did not respond to questions about how it sources its data (though it wrote that it does not use Scale AI for data annotation), while Ecovacs calls the source of its training data “confidential.” LG and Bosch did not respond to requests for comment.

“You have to assume that people … ask each other for help. The policy always says that you’re not supposed to, but it’s very hard to control.”

Some clues about other methods of data collection come from Giese, the IoT hacker, whose office at Northeastern is piled high with robot vacuums that he has reverse-engineered, giving him access to their machine-learning models. Some are produced by Dreame, a relatively new Chinese company based in Shenzhen that sells affordable, feature-rich devices.

Giese found that Dreame vacuums have a folder labeled “AI server,” as well as image upload functions. Companies often say that “camera data is never sent to the cloud and whatever,” Giese says, but “when I had access to the device, I was basically able to prove that it's not true.” Even if they didn’t actually upload any photos, he adds, “[the function] is always there.”
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Dreame manufactures robot vacuums that are also rebranded and sold by other companies—an indication that this practice could be employed by other brands as well, says Giese.

But without either an explanation from companies themselves or a way, besides hacking, to test their assertions, it’s hard to know for sure what they’re collecting from customers for training purposes.
How and why our data ends up halfway around the world

With the raw data required for machine-learning algorithms comes the need for labor, and lots of it. That’s where data annotation comes in. A young but growing industry, data annotation is projected to reach $13.3 billion in market value by 2030.

The field took off largely to meet the huge need for labeled data to train the algorithms used in self-driving vehicles. Today, data labelers, who are often low-paid contract workers in the developing world, help power much of what we take for granted as “automated” online. They keep the worst of the Internet out of our social media feeds by manually categorizing and flagging posts, improve voice recognition software by transcribing low-quality audio, and help robot vacuums recognize objects in their environments by tagging photos and videos.

Among the myriad companies that have popped up over the past decade, Scale AI has become the market leader. Founded in 2016, it built a business model around contracting with remote workers in less-wealthy nations at cheap project- or task-based rates on Remotasks, its proprietary crowdsourcing platform.

In 2020, Scale posted a new assignment there: Project IO. It featured images captured from the ground and angled upwards at roughly 45 degrees, and showed the walls, ceilings, and floors of homes around the world, as well as whatever happened to be in or on them—including people, whose faces were clearly visible to the labelers.

Labelers discussed Project IO in Facebook, Discord, and other groups that they had set up to share advice on handling delayed payments, talk about the best-paying assignments, or request assistance in labeling tricky objects.

iRobot confirmed that the 15 images posted in these groups and subsequently sent to MIT Technology Review came from its devices, sharing a spreadsheet listing the specific dates they were made (between June and November 2020), the countries they came from (the United States, Japan, France, Germany, and Spain), and the serial numbers of the devices that produced the images, as well as a column indicating that a consent form had been signed by each device’s user. (Scale AI confirmed that 13 of the 15 images came from “an R&D project [it] worked on with iRobot over two years ago,” though it declined to clarify the origins of or offer additional information on the other two images.)

iRobot says that sharing images in social media groups violates Scale’s agreements with it, and Scale says that contract workers sharing these images breached their own agreements.

“The underlying problem is that your face is like a password you can’t change. Once somebody has recorded the ‘signature’ of your face, they can use it forever to find you in photos or video.”

But such actions are nearly impossible to police on crowdsourcing platforms.

When I ask Kevin Guo, the CEO of Hive, a Scale competitor that also depends on contract workers, if he is aware of data labelers sharing content on social media, he is blunt. “These are distributed workers,” he says. “You have to assume that people … ask each other for help. The policy always says that you’re not supposed to, but it’s very hard to control.”

That means that it’s up to the service provider to decide whether or not to take on certain work. For Hive, Guo says, “we don’t think we have the right controls in place given our workforce” to effectively protect sensitive data. Hive does not work with any robot vacuum companies, he adds.

“It’s sort of surprising to me that [the images] got shared on a crowdsourcing platform,” says Olga Russakovsky, the principal investigator at Princeton University’s Visual AI Lab and a cofounder of the group AI4All. Keeping the labeling in house, where “folks are under strict NDAs” and “on company computers,” would keep the data far more secure, she points out.

In other words, relying on far-flung data annotators is simply not a secure way to protect data. “When you have data that you’ve gotten from customers, it would normally reside in a database with access protection,” says Pete Warden, a leading computer vision researcher and a PhD student at Stanford University. But with machine-learning training, customer data is all combined “in a big batch,” widening the “circle of people” who get access to it.
Screenshots shared with MIT Technology Review of data annotation in progress

For its part, iRobot says that it shares only a subset of training images with data annotation partners, flags any image with sensitive information, and notifies the company’s chief privacy officer if sensitive information is detected. Baussmann calls this situation “rare,” and adds that when it does happen, “the entire video log, including the image, is deleted from iRobot servers.”

The company specified, “When an image is discovered where a user is in a compromising position, including nudity, partial nudity, or sexual interaction, it is deleted—in addition to ALL other images from that log.” It did not clarify whether this flagging would be done automatically by algorithm or manually by a person, or why that did not happen in the case of the woman on the toilet.

iRobot policy, however, does not deem faces sensitive, even if the people are minors.

“In order to teach the robots to avoid humans and images of humans”—a feature that it has promoted to privacy-wary customers—the company “first needs to teach the robot what a human is,” Baussmann explained. “In this sense, it is necessary to first collect data of humans to train a model.” The implication is that faces must be part of that data.

But facial images may not actually be necessary for algorithms to detect humans, according to William Beksi, a computer science professor who runs the Robotic Vision Laboratory at the University of Texas at Arlington: human detector models can recognize people based “just [on] the outline (silhouette) of a human.”

“If you were a big company, and you were concerned about privacy, you could preprocess these images,” Beksi says. For example, you could blur human faces before they even leave the device and “before giving them to someone to annotate.”

“It does seem to be a bit sloppy,” he concludes, “especially to have minors recorded in the videos.”

In the case of the woman on the toilet, a data labeler made an effort to preserve her privacy, by placing a black circle over her face. But in no other images featuring people were identities obscured, either by the data labelers themselves, by Scale AI, or by iRobot. That includes the image of the young boy sprawled on the floor.

Baussmann explained that iRobot protected “the identity of these humans” by “decoupling all identifying information from the images … so if an image is acquired by a bad actor, they cannot map backwards to identify the person in the image.”

But capturing faces is inherently privacy-violating, argues Warden. “The underlying problem is that your face is like a password you can’t change,” he says. “Once somebody has recorded the ‘signature’ of your face, they can use it forever to find you in photos or video.”
AI labels over the illustrated faces of a family
MATTHIEU BOUREL

Additionally, “lawmakers and enforcers in privacy would view biometrics, including faces, as sensitive information,” says Jessica Rich, a privacy lawyer who served as director of the FTC’s Bureau of Consumer Protection between 2013 and 2017. This is especially the case if any minors are captured on camera, she adds: “Getting consent from the employee [or testers] isn’t the same as getting consent from the child. The employee doesn’t have the capacity to consent to data collection about other individuals—let alone the children that appear to be implicated.” Rich says she wasn’t referring to any specific company in these comments.

In the end, the real problem is arguably not that the data labelers shared the images on social media. Rather, it’s that this type of AI training set—specifically, one depicting faces—is far more common than most people understand, notes Milagros Miceli, a sociologist and computer scientist who has been interviewing distributed workers contracted by data annotation companies for years. Miceli was part of a research team that has spoken to multiple labelers who have seen similar images, taken from the same low vantage points and sometimes showing people in various stages of undress.

The data labelers found this work “really uncomfortable,” she adds.

Surprise: you may have agreed to this
Robot vacuum manufacturers themselves recognize the heightened privacy risks presented by on-device cameras. “When you’ve made the decision to invest in computer vision, you do have to be very careful with privacy and security,” says Jones, iRobot’s CTO. “You’re giving this benefit to the product and the consumer, but you also have to be treating privacy and security as a top-order priority.”

In fact, iRobot tells MIT Technology Review it has implemented many privacy- and security-protecting measures in its customer devices, including using encryption, regularly patching security vulnerabilities, limiting and monitoring internal employee access to information, and providing customers with detailed information on the data that it collects.

But there is a wide gap between the way companies talk about privacy and the way consumers understand it.

It’s easy, for instance, to conflate privacy with security, says Jen Caltrider, the lead researcher behind Mozilla’s “*Privacy Not Included” project, which reviews consumer devices for both privacy and security. Data security refers to a product’s physical and cyber security, or how vulnerable it is to a hack or intrusion, while data privacy is about transparency—knowing and being able to control the data that companies have, how it is used, why it is shared, whether and for how long it’s retained, and how much a company is collecting to start with.

Conflating the two is convenient, Caltrider adds, because “security has gotten better, while privacy has gotten way worse” since she began tracking products in 2017. “The devices and apps now collect so much more personal information,” she says.

Company representatives also sometimes use subtle differences, like the distinction between “sharing” data and selling it, that make how they handle privacy particularly hard for non-experts to parse. When a company says it will never sell your data, that doesn’t mean it won’t use it or share it with others for analysis.

These expansive definitions of data collection are often acceptable under companies’ vaguely worded privacy policies, virtually all of which contain some language permitting the use of data for the purposes of “improving products and services”—language that Rich calls so broad as to “permit basically anything.”

“Developers are not traditionally very good [at] security stuff.” Their attitude becomes “Try to get the functionality, and if the functionality is working, ship the product. And then the scandals come out.”

Indeed, MIT Technology Review reviewed 12 robot vacuum privacy policies, and all of them, including iRobot’s, contained similar language on “improving products and services.” Most of the companies to which MIT Technology Review reached out for comment did not respond to questions on whether “product improvement” would include machine-learning algorithms. But Roborock and iRobot say it would.

And because the United States lacks a comprehensive data privacy law—instead relying on a mishmash of state laws, most notably the California Consumer Privacy Act—these privacy policies are what shape companies’ legal responsibilities, says Brookman. “A lot of privacy policies will say, you know, we reserve the right to share your data with select partners or service providers,” he notes. That means consumers are likely agreeing to have their data shared with additional companies, whether they are familiar with them or not.

Brookman explains that the legal barriers companies must clear to collect data directly from consumers are fairly low. The FTC, or state attorneys general, may step in if there are either “unfair” or “deceptive” practices, he notes, but these are narrowly defined: unless a privacy policy specifically says “Hey, we’re not going to let contractors look at your data” and they share it anyway, Brookman says, companies are “probably okay on deception, which is the main way” for the FTC to “enforce privacy historically.” Proving that a practice is unfair, meanwhile, carries additional burdens—including proving harm. “The courts have never really ruled on it,” he adds.

Most companies’ privacy policies do not even mention the audiovisual data being captured, with a few exceptions. iRobot’s privacy policy notes that it collects audiovisual data only if an individual shares images via its mobile app. LG’s privacy policy for the camera- and AI-enabled Hom-Bot Turbo+ explains that its app collects audiovisual data, including “audio, electronic, visual, or similar information, such as profile photos, voice recordings, and video recordings.” And the privacy policy for Samsung’s Jet Bot AI+ Robot Vacuum with lidar and Powerbot R7070, both of which have cameras, will collect “information you store on your device, such as photos, contacts, text logs, touch interactions, settings, and calendar information” and “recordings of your voice when you use voice commands to control a Service or contact our Customer Service team.” Meanwhile, Roborock’s privacy policy makes no mention of audiovisual data, though company representatives tell MIT Technology Review that consumers in China have the option to share it.

iRobot cofounder Helen Greiner, who now runs a startup called Tertill that sells a garden-weeding robot, emphasizes that in collecting all this data, companies are not trying to violate their customers’ privacy. They’re just trying to build better products—or, in iRobot’s case, “make a better clean,” she says.

Still, even the best efforts of companies like iRobot clearly leave gaps in privacy protection. “It’s less like a maliciousness thing, but just incompetence,” says Giese, the IoT hacker. “Developers are not traditionally very good [at] security stuff.” Their attitude becomes “Try to get the functionality, and if the functionality is working, ship the product.”

“And then the scandals come out,” he adds.

Robot vacuums are just the beginning

The appetite for data will only increase in the years ahead. Vacuums are just a tiny subset of the connected devices that are proliferating across our lives, and the biggest names in robot vacuums—including iRobot, Samsung, Roborock, and Dyson—are vocal about ambitions much grander than automated floor cleaning. Robotics, including home robotics, has long been the real prize.

Consider how Mario Munich, then the senior vice president of technology at iRobot, explained the company’s goals back in 2018. In a presentation on the Roomba 980, the company’s first computer-vision vacuum, he showed images from the device’s vantage point—including one of a kitchen with a table, chairs, and stools—next to how they would be labeled and perceived by the robot’s algorithms. “The challenge is not with the vacuuming. The challenge is with the robot,” Munich explained. “We would like to know the environment so we can change the operation of the robot.”

This bigger mission is evident in what Scale’s data annotators were asked to label—not items on the floor that should be avoided (a feature that iRobot promotes), but items like “cabinet,” “kitchen countertop,” and “shelf,” which together help the Roomba J series device recognize the entire space in which it operates.

The companies making robot vacuums are already investing in other features and devices that will bring us closer to a robotics-enabled future. The latest Roombas can be voice controlled through Nest and Alexa, and they recognize over 80 different objects around the home. Meanwhile, Ecovacs’s Deebot X1 robot vacuum has integrated the company’s proprietary voice assistance, while Samsung is one of several companies developing “companion robots” to keep humans company. Miele, which sells the RX2 Scout Home Vision, has turned its focus toward other smart appliances, like its camera-enabled smart oven.

And if iRobot’s $1.7 billion acquisition by Amazon moves forward—pending approval by the FTC, which is considering the merger’s effect on competition in the smart-home marketplace—Roombas are likely to become even more integrated into Amazon’s vision for the always-on smart home of the future.

Perhaps unsurprisingly, public policy is starting to reflect the growing public concern with data privacy. From 2018 to 2022, there has been a marked increase in states considering and passing privacy protections, such as the California Consumer Privacy Act and the Illinois Biometric Information Privacy Act. At the federal level, the FTC is considering new rules to crack down on harmful commercial surveillance and lax data security practices—including those used in training data. In two cases, the FTC has taken action against the undisclosed use of customer data to train artificial intelligence, ultimately forcing the companies, Weight Watchers International and the photo app developer Everalbum, to delete both the data collected and the algorithms built from it.

Still, none of these piecemeal efforts address the growing data annotation market and its proliferation of companies based around the world or contracting with global gig workers, who operate with little oversight, often in countries with even fewer data protection laws.

When I spoke this summer to Greiner, she said that she personally was not worried about iRobot’s implications for privacy—though she understood why some people might feel differently. Ultimately, she framed privacy in terms of consumer choice: anyone with real concerns could simply not buy that device.

“Everybody needs to make their own privacy decisions,” she told me. “And I can tell you, overwhelmingly, people make the decision to have the features as long as they are delivered at a cost-effective price point.”

But not everyone agrees with this framework, in part because it is so challenging for consumers to make fully informed choices. Consent should be more than just “a piece of paper” to sign or a privacy policy to glance through, says Vitak, the University of Maryland information scientist.

True informed consent means “that the person fully understands the procedure, they fully understand the risks … how those risks will be mitigated, and … what their rights are,” she explains. But this rarely happens in a comprehensive way—especially when companies market adorable robot helpers promising clean floors at the click of a button.

Do you have more information about how companies collect data to train AI? Did you participate in data collection efforts by iRobot or other robot vacuum companies? We'd love to hear from you and will respect requests for anonymity. Please reach out at tips@technologyreview.com.

Additional research by Tammy Xu.

Correction: Electrolux is a Swedish company, not a Swiss company as originally written. Milagros Miceli was part of a research team that spoke to data labelers that had seen similar images from robot vacuums.

by Eileen Guo

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June 20, 2023 at 9:18:07 AM GMT+2
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