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EDF ou l’histoire d’une débâcle françaisehttps://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/29/edf-ou-l-histoire-d-un-naufrage-francais_6143752_3234.html

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EDF ou l’histoire d’une débâcle française

Par Isabelle Chaperon Publié hier à 20h10, mis à jour à 10h52 Temps de Lecture 8 min.

Incertitudes politiques et difficultés technologiques ont contribué à la débâcle industrielle que connaît l’énergéticien français. Luc Rémont, qui succédera prochainement à Jean-Bernard Lévy à la tête de l’opérateur historique, est prévenu.

Le réveil est brutal. Les ménages français vivaient dans la douce illusion que l’électricité bon marché produite par les centrales nucléaires d’EDF les protégerait des turbulences provoquées par la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en énergie. C’était même l’occasion de montrer la supériorité du modèle français, fondé sur la souveraineté nationale, par opposition à nos voisins allemands, qui avaient tout misé sur le gaz russe. Mais rien ne s’est passé comme prévu.

L’arrêt de 26 réacteurs nucléaires sur 56 dans le parc d’EDF rend la France vulnérable aux pénuries de courant et place l’opérateur au cœur des critiques. L’une des premières missions du futur patron de l’opérateur, Luc Rémont, choisi par l’Elysée jeudi 29 septembre, sera de relancer la production. En 2005, année de son entrée en Bourse, EDF produisait environ 430 térawattheures d’électricité (TWh) d’origine nucléaire ; en 2022, il table sur 280 à 300 TWh. Ce camouflet industriel s’ajoute aux déboires essuyés par la filière nucléaire française pour construire de nouvelles centrales de troisième génération (EPR).

Qui blâmer ? Les dirigeants d’EDF ou ceux d’Areva – le frère ennemi défaillant –, l’exécutif, les écologistes, ou Bruxelles et son libéralisme échevelé ? Communistes et Républicains réclament l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur le nucléaire pour faire la lumière sur ce désastre. Alors qu’il suffit d’avoir lu Agatha Christie : « EDF, c’est Le Crime de l’Orient-Express. Tout le monde est coupable », tranche un ancien de Bercy qui a souhaité rester anonyme, comme la plupart des grands témoins sollicités.

Les monnayages des écologistes

Pour Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, le grand coupable, c’est François Hollande, qui a promis, en vue de son élection à la présidence de la République, en 2012, de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. « Nous avons une technologie en or, qui nous assurait une énergie propre et bon marché, nous l’avons sacrifiée au nom d’un accord électoral Parti socialiste [PS]-Les Verts en 2011 : l’échange de quinze circonscriptions législatives contre la fermeture de vingt-quatre réacteurs nucléaires », a attaqué M. Marleix, dans un entretien au quotidien Le Figaro, parue le 5 septembre.

Partout en Europe, depuis la fin du XXe siècle, les écologistes ont monnayé leur participation à des coalitions en échange d’une sortie du nucléaire : ce fut le cas en Allemagne en 1998, ou en Belgique en 2003. En 1997, déjà, le premier ministre (PS), Lionel Jospin, avait sacrifié le surgénérateur Superphénix sur l’autel d’un accord PS-Les Verts. En France, les Verts ont freiné le développement du « nouveau nucléaire » avec d’autant plus d’efficacité que la politique énergétique fut longtemps confiée au ministère de l’environnement.

Conséquence, en 2006, lorsque le premier béton est coulé à l’EPR de Flamanville (Manche), il s’agissait du premier réacteur mis en chantier en France depuis seize ans. « Le nucléaire est probablement la seule activité économique dont l’avenir est largement déterminé par l’opinion publique », professait François Roussely, l’ancien patron d’EDF. En mars 2011, un an avant l’élection présidentielle de 2012, l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, fait basculer la perception de l’atome dans le monde.

La construction d’un second EPR à Penly (Seine-Maritime), annoncée par le président Nicolas Sarkozy en 2009, est alors repoussée sine die. Et M. Hollande s’attaque au parc installé (et vieillissant). En 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, confirme la mise à l’arrêt de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), promise par son prédécesseur, s’engageant à mettre sous cloche quatorze réacteurs dans l’Hexagone, avant son revirement à l’issue de son premier mandat. Lors du discours de Belfort, en février 2022, il promet au contraire la construction de six nouveaux réacteurs.

Une « équipe de France » qui vit mal

Autant dire que l’actuel locataire de l’Elysée a pu se sentir visé par la pique de Jean-Bernard Lévy, désormais ex-patron d’EDF, qui a lâché lors d’une table ronde à l’université du Medef, le 29 août, à Paris : « On a fermé deux [réacteurs]. (…) On nous a dit “préparez-vous à fermer les douze suivants”. (…) On n’a pas embauché des gens pour en construire d’autres, on a embauché des gens pour en fermer. » Un discours « inacceptable » et « faux », a tancé Emmanuel Macron, le 5 septembre, car, selon le président, EDF devait, dans tous les cas de figure, assurer la maintenance de ses installations…

Le salut, faute de programmes en France, aurait dû passer par l’export. Las, ce fut un désastre. Symbole de cet échec collectif, l’appel d’offres d’Abou Dhabi. Quand l’émirat décide, en 2008, de bâtir quatre réacteurs, la France part favorite. Un consortium regroupant Areva, Total et Engie (alors GDF Suez) se lance à l’assaut du « contrat du siècle ». EDF rejoint in fine « l’équipe de France du nucléaire » à la demande pressante de l’Elysée, qui pilote l’affaire, tant elle est jugée stratégique. Mais le groupe vit mal. Anne Lauvergeon, dirigeante d’Areva, et Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, ne sont-ils pas les ennemis jurés du nouveau PDG d’EDF, Henri Proglio ?

Abou Dhabi choisira finalement, fin 2009, un consortium coréen. L’EPR français, nettement plus cher, pâtit des déboires rencontrés par Areva en Finlande. En décembre 2003, le groupe dirigé par « Atomic Anne », associé à l’allemand Siemens, a été retenu pour construire une centrale nucléaire « clé en main » de type EPR à Olkiluoto, dans l’ouest de la Finlande. Une folie. Areva n’a ni les plans ni les compétences. EDF ricane et réplique en lançant, en 2006, le projet de Flamanville 3 : nouvelle folie, l’électricien n’est guère plus prêt…

« Cette course entre les deux entreprises françaises a conduit au lancement précipité des chantiers de construction de ces deux premiers EPR, sur la base de références techniques erronées et d’études détaillées insuffisantes », assène la Cour des comptes, dans un rapport au vitriol, publié en juin 2020. L’institution accuse « les administrations concernées » de ne pas avoir joué leur rôle de vigie. En particulier, l’Etat actionnaire, qui détenait plus de 87 % d’EDF et d’Areva, a laissé prospérer entre les deux maisons une relation qualifiée de « pathologique » par les observateurs.

L’EPR, un enfant mal né

Cette bride laissée trop lâche a coûté cher. Le réacteur d’Olkiluoto 3 a produit ses premiers mégawattheures (MWh) en mars 2022, avec douze ans de retard par rapport aux objectifs initiaux. Son coût est estimé à près de 9 milliards d’euros, soit trois fois le montant prévu. L’Etat a dû restructurer Areva avant d’y injecter 4,5 milliards d’euros en 2017. Comme si le contribuable français payait pour l’électricité des Finlandais. Va-t-il également financer celle des Britanniques ? C’est la crainte qui a poussé Thomas Piquemal, alors directeur financier d’EDF, à démissionner en mars 2016.

Le dirigeant estimait déraisonnable que l’électricien prenne à sa charge autant de risques liés à la construction de deux EPR pour la centrale d’Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre. « Qui investirait 70 % de son patrimoine sur une technologie dont nous ne savons toujours pas si elle fonctionne ? », a-t-il expliqué par la suite aux députés. Trois EPR tournent actuellement dans le monde, un en Finlande et deux en Chine. Le chargement du combustible à Flamanville 3 est planifié pour juin 2023 (contre une mise en service prévue au départ en 2012).

Selon le rapport de juin 2020 de la Cour des comptes, la facture globale du chantier (y compris les frais financiers) devrait atteindre 19 milliards d’euros (contre 3,2 milliards attendus). L’EPR est un enfant mal né. Ce fruit de la collaboration technologique entre Areva et Siemens, bénie par les politiques désireux de forger l’« Airbus du nucléaire », est passé sous les fourches Caudines des autorités de sûreté française et allemande, dont les exigences « ne convergeaient pas toujours », glisse une Cour des comptes amatrice de litote.

Cet « empilement d’ingénieries d’inspirations différentes », d’une effroyable complexité, n’a pas été remis en cause lorsque l’Allemagne s’est retirée du projet, en 1998. A ces difficultés initiales s’ajoute la défaillance des opérateurs, Areva – et sa filiale Framatome, reprise depuis par EDF – mais également l’électricien lui-même : le grand architecte ensemblier de la filière a perdu la main. Pour Jean-Martin Folz, l’ancien patron de PSA, chargé d’auditer la situation de Flamanville en octobre 2019, « les outils et les méthodes de management indispensables à la gestion d’un projet de cette envergure n’ont pas été mis en place au lancement de celui-ci ».

De l’absence d’un vrai chef de projet aux loupés des soudeurs, c’est la bérézina. Les concurrents, eux, critiquent « l’arrogance » du fleuron tricolore. « C’est la maladie du monopole, EDF n’accepte pas ce qui vient de l’extérieur, il est dans sa bulle », lâche l’un d’entre eux. De quoi expliquer en partie le climat délétère qui s’est installé avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « EDF n’a informé l’ASN de l’existence d’un écart au référentiel d’exclusion de rupture pour les soudures de traversées qu’en 2017, alors que ces éléments étaient connus depuis octobre 2013 », dénonce la Cour des comptes.

Bruxelles contre les monopoles

Du côté du parc existant, enfin, la mauvaise surprise est venue d’un problème de « corrosion sous contrainte » détecté en décembre 2021 dans les circuits secondaires de la centrale de Civaux (Vienne). Cette rouille, « totalement inattendue pour tous les experts », a insisté M. Lévy lors d’une audition le 14 septembre à l’Assemblée nationale, a entraîné l’arrêt de quinze réacteurs, s’ajoutant aux dix en pause pour une maintenance classique. Plus un connaissant un « arrêt fortuit ».

« Nous faisons face à un cumul inattendu d’activités, qui mobilise des compétences pointues et rares, de tuyauteurs, soudeurs, robinetiers, chaudronniers…, a expliqué le PDG. Ce déficit de compétences affecte notre capacité à réparer au rythme que nous souhaiterions. » Sébastien Menesplier, secrétaire général de la puissante fédération CGT Mines-Energie, déplore que « 80 % de la maintenance [soit] sous-traitée. C’est beaucoup trop ». M. Menesplier reconnaît que l’électricien « s’est reposé sur ses lauriers », renvoie dos à dos les politiques « de gauche, de droite et du milieu », mais, surtout, il en veut à Bruxelles.

« La libéralisation est un échec. Elle a créé de la précarité et fait flamber les tarifs de l’électricité », martèle le syndicaliste, qui appelle à « enterrer les directives européennes encore plus profondément que des déchets nucléaires ». La Commission européenne, dont le dogme fondateur repose sur la protection des consommateurs, n’a eu de cesse de casser les monopoles, EDF en tête. A partir de 1996, elle a imposé aux Etats membres une ouverture progressive à la concurrence de la production, du transport et de la distribution d’électricité.

Ce cheminement a culminé dans la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME), votée en 2010, qui oblige l’électricien à vendre chaque année environ un quart de sa production électrique à des fournisseurs alternatifs au prix d’environ 42 euros du MWh. Ce mécanisme, appelé Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), devrait coûter 10 milliards d’euros au groupe en 2022. « Il est faux de dire que l’Arenh a été mis en place à la demande de Bruxelles. Il y avait d’autres solutions pour ouvrir le marché français à la concurrence », plaide Stéphane Sorin, fondateur du groupement d’achat Collectif Energie.

« Ce dispositif correspond à un choix politique des pouvoirs publics français, qui se sont toujours servis d’EDF pour protéger le consommateur et qui ne souhaitaient pas toucher au parc du groupe », poursuit-il. Le fournisseur historique, en effet, a refusé de vendre des capacités de production, comme Enel l’a fait en Italie par exemple, afin de faciliter l’entrée de concurrents sur le marché français. Bruxelles, en particulier, presse la France depuis des décennies de mettre en concurrence ses concessions de barrages hydroélectriques gérés par EDF : un bras de fer qui dure toujours…

Article publié dans la revue Le Monde par Isabelle Chaperon

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June 20, 2023 at 11:01:07 AM GMT+2

Électricité, la grande arnaquehttps://www.lepoint.fr/economie/electricite-la-grande-arnaque-15-09-2022-2490056_28.php

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Électricité, la grande arnaque

Comment l’État laisse les fournisseurs privés d’électricité siphonner les ressources d’EDF, dans l’espoir de sauver une ouverture du marché de l’énergie.

Par Erwan Seznec et Géraldine Woessner (avec Clément Fayol)

Trente euros il y a deux ans, 200 euros en début d'année, près de 500 euros le mégawattheure (MWh) fin août : le marché européen de l'électricité paraît hors de contrôle, et rien ne laisse présager un retour rapide à la normale. En cause, une reprise post-Covid vigoureuse et la guerre en Ukraine, qui perturbe les approvisionnements en gaz russe. Deux facteurs aggravés, côté français, par une disponibilité historiquement faible du parc nucléaire.

Les Français réalisent-ils l'ampleur du problème ? Pas sûr. Leurs factures d'électricité au tarif réglementé ont augmenté de 4 % seulement depuis l'hiver dernier. Sans le bouclier tarifaire instauré par le gouvernement à l'automne 2021, elles auraient flambé de 35 %. Et, si le gouvernement a décidé de prolonger la digue en 2023, les finances publiques ne pourront pas soutenir longtemps un dispositif qui a d'ores et déjà coûté plus de 10,5 milliards d'euros…

Les fournisseurs alternatifs d'électricité, eux, ont parfaitement conscience de la gravité de la situation. Pesant environ 30 % du marché, ils se sont engagés à fournir à leurs clients des kilowattheures (kWh) à prix fixe, sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Ceux qui ont vu venir l'envolée des prix se sont couverts, en achetant à l'avance, sur les marchés, des mégawattheures livrables cet hiver. Voilà pour les fourmis. Mais les fournisseurs cigales, eux, ont commencé à rendre l'âme. E.Leclerc Énergies a jeté l'éponge dès octobre 2021, suivi par Bulb ou Oui Energy. Hydroption a fait faillite. Ce courtier avait décroché des marchés de fourniture des villes de Paris, Rouen et de l'armée française ! La structure se résumait en fait à une dizaine de traders basés dans le Var, dépourvus de la moindre capacité de production… Quand les prix ont explosé, ils n'ont pas pu approvisionner leurs clients. Un cas loin d'être unique. À quelques exceptions près, comme TotalEnergies ou Engie, les « fournisseurs » alternatifs sont essentiellement des courtiers, non des industriels. Depuis l'ouverture du marché de l'énergie, la concurrence d'EDF affiche un bilan plus que décevant en termes de création de capacités productives. En 2021, le nucléaire historique représente toujours 67 % du mix électrique français, contre 78 % en 2007. Et si les alternatifs ont rongé les parts de marché d'EDF, l'entreprise historique assure toujours 85 % de la production d'électricité consommée dans le pays.

Nucléaire. Sa place est en effet incontournable lorsqu'on prend en considération la notion d'énergie pilotable, c'est-à-dire indépendante du vent et du soleil, capable d'assurer de manière planifiée l'indispensable équilibre entre l'offre et la demande sur le réseau, 7 jours/7 et 24 heures/24. Adieu, panneaux solaires et éoliennes. La France évite le black-out grâce à quelques grands barrages, à des turbines d'appoint au gaz mais, surtout, à son parc de 56 réacteurs nucléaires.

Autant dire qu'en théorie le champagne devrait couler à flots dans les bureaux d'EDF. L'opérateur historique sait à l'avance que les prix vont flamber les soirs d'hiver sans vent ni soleil, quand la demande sera maximale et les renouvelables à l'arrêt. Le nucléaire , lui, répondra présent alors que le mégawattheure s'envolera à 1 000 euros, voire davantage. De quoi renflouer les caisses de l'électricien, qui a accumulé 44 milliards d'euros de dettes au fil du temps. Sauf que…

Prix bradé. L'État en a décidé autrement lorsqu'il s'est avéré, quelques années après la libéralisation du marché, que les alternatifs n'arriveraient jamais à concurrencer le mégawattheure produit à faible coût et à la demande par un parc nucléaire quasi amorti. En 2010, la loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l'électricité) instaure un nouveau mécanisme, nommé Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Dans le but de rétablir l'équilibre avec de nouveaux entrants qui peinent à décoller, EDF est contrainte, par la loi, de partager la production de ses réacteurs avec eux. L'opérateur historique doit céder à ses concurrents un gros quart de sa production nucléaire -100 térawattheures (TWh) - à prix coûtant, très au-dessous des prix du marché : 42 euros le mégawattheure depuis 2012, peut-être revalorisé en 2023 à 49,50 euros. Pour répondre à la crise, en mars 2022, le gouvernement a décidé d'imposer à EDF un supplément d'Arenh de 20 TWh par an, au prix de 46,20 euros le mégawattheure.

En résumé, alors que le parc nucléaire d'EDF est ralenti par des problèmes de maintenance et de corrosion, l'entreprise doit céder à prix bradé 120 TWh à ses concurrents, soit plus d'un tiers de sa production. Et ce volume devrait encore augmenter : lors d'une audition au Sénat en juillet 2022, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a confié réfléchir à porter l'Arenh à 135 TWh par an, pour limiter l'envolée des factures des clients des fournisseurs alternatifs. Une fuite en avant ?

Effets pervers. « La crise actuelle prouve à quel point le système était mal pensé au départ », soupire l'économiste Jacques Percebois, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden). D'une part parce que l'Arenh se voulait un dispositif transitoire, qui doit d'ailleurs prendre fin en 2025 : « l'esprit du texte était de subventionner les petits fournisseurs pendant quelques années, afin qu'ils investissent et développent leur propre parc de production. Mais très peu l'ont fait », la majorité se contentant d'empocher les bénéfices, sans investir un euro. D'autre part parce que le système - par la magie d'une étrange règle de calcul - a récemment contribué… à faire augmenter les prix ! En effet, les fournisseurs alternatifs, sans moyen de production propre, doivent acheter, sur les marchés, l'électricité qu'ils revendent à leurs clients. Environ la moitié (et jusqu'à 75 %) de leurs achats viennent de l'Arenh, qu'ils obtiennent donc à un prix très avantageux. Mais le reste est acheté le plus souvent au prix fort sur le marché de gros. En bon gardien de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a, depuis 2015, pour principe d'augmenter le tarif réglementé en fonction des coûts, non seulement de l'opérateur historique, mais aussi des fournisseurs alternatifs : plus le volume d'Arenh qu'ils demandent est élevé, plus le tarif réglementé de l'électricité payée par les consommateurs augmente, afin de permettre aux alternatifs d'augmenter leurs prix tout en restant compétitifs, au moins en apparence. Un principe qui ulcère l'association de défense des consommateurs CLCV depuis des années.

Dernier effet pervers, et non des moindres : ce système laisse la porte grande ouverte à un certain nombre de dérives. « Certains fournisseurs ne répercutent pas le prix de l'Arenh dans les contrats de leurs clients. D'autres surestiment volontairement la consommation de leurs clients, afin d'obtenir davantage d'Arenh qu'ils n'en consommeront, et qu'ils pourront revendre au prix du marché », détaille Jacques Percebois. La CRE s'en est aperçue et peut infliger après coup des pénalités, « mais, quel que soit leur montant, ils auront gagné beaucoup d'argent ».

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June 20, 2023 at 10:59:40 AM GMT+2

Hydrogène : comment l'Europe prépare un nouveau scandale climatiquehttps://www.lepoint.fr/environnement/hydrogene-comment-l-europe-prepare-un-nouveau-scandale-climatique-22-09-2022-2490935_1927.php

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Hydrogène : comment l'Europe prépare un nouveau scandale climatique

Par Géraldine Woessner

Publié le 22/09/2022 à 10h23 - Modifié le 22/09/2022 à 13h51

Les eurodéputés ont adopté un amendement autorisant gaz et charbon dans la production d’hydrogène « vert ». De quoi ruiner les efforts de décarbonation.

est le problème des politiques publiques lorsqu'elles sont élaborées sur des bases mensongères, ou erronées : arrive fatalement un moment où leur poursuite produira un effet exactement inverse de celui recherché. Ainsi de l'hydrogène, présenté par quelques dirigeants européens comme LA solution miracle qui permettra de décarboner l'industrie et les transports, sans rien changer de nos modes de vie ni de nos procédés de production. Le 14 septembre, alors qu'ils planchaient sur une nouvelle version de la directive sur les énergies renouvelables, les eurodéputés ont adopté, à une courte majorité, un amendement positivement aberrant : il permettra demain d'étiqueter comme « vert » de l'hydrogène qui serait produit avec du gaz ou du charbon… Donc ultra-polluant !

Par quel « miracle », se demande-t-on ? Pour comprendre la chaîne de causes qui ont conduit à ce vote contraire à tous les objectifs de décarbonation proclamés la main sur le cœur par des politiques soucieux du réchauffement climatique, il faut rappeler quelques réalités concernant l'hydrogène, un gaz extrêmement prometteur, mais aussi particulièrement complexe à produire en grandes quantités. Pour de l'hydrogène « vert », des quantités colossales d'électricité

Il existe aujourd'hui deux façons de produire de l'hydrogène, ou plus exactement du dihydrogène (H2) : avec du gaz ou avec de l'eau.

- La première méthode, par vaporeformage, consiste à casser une molécule de méthane en un atome de carbone (C) et quatre atomes d'hydrogène (H). Elle présente l'inconvénient majeur de dégager beaucoup de carbone : on émet 9 à 10 kg de CO2 par kilo d'hydrogène produit.

- La seconde méthode, qui nourrit tous les espoirs, consiste à casser une molécule d'eau (H2O), par électrolyse. Un électron sépare alors l'atome d'oxygène des deux atomes d'hydrogène… Simple, propre, efficace ? Pas tout à fait. Car pour que l'hydrogène produit soit « vert », encore faut-il que l'énergie qui permet de faire tourner l'électrolyseur soit elle-même bas carbone, c'est-à-dire produite à partir d'éolien, de solaire, de barrages hydroélectriques, ou de nucléaire.

La technologie existe, mais elle est pour l'instant si peu rentable que 98 % de l'hydrogène consommé dans le monde est encore produit avec des ressources fossiles. Pour une raison simple : un électrolyseur requiert des quantités énormes d'électricité. À titre d'exemple, pour remplacer par de l'hydrogène le gaz et le charbon brûlant dans les six hauts fourneaux des aciéries françaises, il faudrait mobiliser toute la production de trois réacteurs EPR. C'est dire à quel point l'idée, vendue par les industriels, de faire rouler demain un parc entier de voitures particulières à l'hydrogène relève de l'utopie.

« On a largement surestimé le potentiel de l'hydrogène, à la fois en termes de volume, de compétitivité et de potentiel de déploiement », soupire le spécialiste des questions énergétiques Maxence Cordiez. « Il faudrait réserver son usage à quelques secteurs, qui ne pourront pas décarboner sans : les mobilités lourdes, la métallurgie… » Mais certains pays, dont l'Allemagne, qui ont beaucoup misé sur l'hydrogène puisque c'est la seule solution au stockage de l'électricité solaire et éolienne, peuvent difficilement s'en passer.

Greenwashing : l'entourloupe des « garanties d'origine »

Ayant fait le choix de s'appuyer sur le gaz pour sortir du nucléaire, Berlin cherche en effet désespérément le moyen de sortir de cette dépendance, tout en optimisant son gigantesque parc d'énergies renouvelables. Or l'intermittence du solaire et de l'éolien bride le développement de l'hydrogène, puisqu'un électrolyseur qui y serait raccordé ne peut tourner, au mieux, que 50 % du temps. Difficile, dans ces conditions, de rentabiliser l'investissement… Plusieurs pays en ont pourtant un besoin vital, n'ayant plus vraiment d'autre option pour faire tourner leurs usines en l'absence de gaz. « L'hydrogène, c'est une brique indispensable pour aller vers la neutralité carbone de l'industrie. Cela va nécessiter des quantités gigantesques d'électricité. Comment y arriver ? » résume Bertrand Charmaison, directeur d'I-Thésé, l'Institut de recherche en économie de l'énergie du CEA. Réponse : en s'exonérant des exigences climatiques pour sa propre production, et en important massivement.

Déposé par le député allemand Markus Pieper (CDU), l'amendement adopté par le Parlement européen permet de résoudre une partie du problème. La Commission européenne, pour s'assurer que l'hydrogène produit en Europe ne le serait pas avec du charbon, pensait fixer des limites étroites : un acte délégué prévoyait de n'étiqueter comme « durable » que de l'hydrogène « compensé » par des ressources renouvelables produites à la même heure, et dans la même zone géographique. Impossible, donc, de faire tourner « en base » l'électrolyseur avec le mix disponible (fortement carboné en Allemagne) quand le vent ne souffle pas.

Le nouvel amendement balaie ces précautions : il suffira au producteur d'acheter la même quantité d'électrons d'origine renouvelable, dans une période de trois mois. « Avec l'amendement voté par le Parlement, il suffit d'acheter de grandes quantités de certificats nommés « garanties d'origine » auprès de producteurs d'électricité éolienne lorsque le vent souffle, en septembre, par exemple. Et si en octobre les pales ne tournent pas, vous pourrez utiliser de l'électricité produite par du gaz ou du charbon : votre hydrogène sera considéré comme vert, dès lors qu'on lui associe les certificats de septembre », s'indigne Bertrand Charmaison, qui a effectué ses calculs : « Avec le mix électrique fortement carboné de nombreux pays européens tel qu'il est aujourd'hui, produire cet hydrogène « vert » pourrait rejeter jusqu'à15 kg de CO2 par kg d'hydrogène produit, c'est-à-dire davantage que par la méthode classique ! »

Verdissement européen, au détriment d'autres pays

Une discussion qui risque de s'ouvrir sous de mauvais auspices, redoutent les observateurs. « Nous sommes dans une compétition économique », décrypte une source proche du dossier. « Si la France maintient finalement les 12 centrales nucléaires qu'elle avait prévu de fermer, comme Emmanuel Macron s'y est engagé, on pourrait avoir un excédent d'électricité nucléaire jusqu'en 2028-2030, ce qui rendrait très concurrentiel notre hydrogène vert. Ceux qui rejettent le nucléaire vont s'y opposer… » Ainsi la stratégie énergétique allemande, qui prévoit une production domestique d'hydrogène de seulement 14 TWh pour une consommation estimée entre 90 et 110 TWh en 2030, repose essentiellement sur des importations à bas coût.

Berlin « met en place des coopérations par différents canaux », avec « des exportateurs traditionnels d'énergies fossiles [Angola, Nigeria, Arabie saoudite, Russie, Canada, Ukraine] et des nouveaux entrants comme le Chili, le Brésil, l'Afrique du Sud, le Maroc, le Portugal ou encore l'Australie », détaillait l'an dernier une note du Trésor. L'Allemagne a déjà affecté deux milliards d'euros de fonds publics à des partenariats avec le Maroc, la Namibie, la République démocratique du Congo, l'Afrique du Sud : leurs fermes solaires lui livreront de l'hydrogène par cargos. Une aberration au regard du climat, constate un expert du secteur : « C'est un énorme scandale, on crée une politique anti-climatique. Quel sens y a-t-il à piquer le renouvelable des pays en développement ? Avec quoi feront-ils leur transition ? »

Aujourd'hui, la consommation d'énergie au Maroc est encore dominée par les fossiles, à plus de 90 %, quasiment entièrement importés. Elle risque de l'être encore pour longtemps.

Publié sur le journal LePoint

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June 20, 2023 at 10:56:24 AM GMT+2
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