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Bunkers et fermes bio : comment les ultrariches préparent l’avenirhttps://reporterre.net/Bunkers-et-fermes-bio-comment-les-riches-preparent-l-avenir

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Bunkers et fermes bio : comment les ultrariches préparent l’avenir

Face à la crise climatique, le survivalisme est devenu l’ultime lubie des milliardaires qui planifient leur exode et tentent d’échapper au monde commun.

Vous lisez la première partie de l’enquête Le séparatisme climatique des ultrariches.


Les ultrariches se préparent à la catastrophe qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. Alors que le monde plonge peu à peu dans le chaos climatique, ils se bâtissent des bunkers, s’achètent des îles privées et s’aménagent des existences qu’ils rêvent à l’abri des violences, pour continuer à vivre dans le luxe, le calme et la volupté.

Voilà déjà quelques années que les médias ont révélé le phénomène. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont tout accéléré. Avec leurs jets privés, leurs yachts et leurs « gated communities » (quartiers résidentiels privés), les milliardaires ont décidé de faire sécession.

La Nouvelle-Zélande et la Patagonie sont devenues leurs repaires. Ils investissent aussi dans des contrées isolées comme l’Alaska, la Scandinavie ou le Kamtchatka en Russie. Steve Huffman, le cofondateur du réseau social Reddit, le dit lui-même : une bonne moitié de ses collègues milliardaires de la Silicon Valley ont acheté des « biens immobiliers apocalyptiques » dans le monde. Les médias anglo-saxons évoquent même « un rush ».

Des jets privés prêts à décoller pour la Nouvelle-Zélande

Le dernier en date à avoir défrayé la chronique est le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg. Son bunker de luxe à Hawaï, baptisé « Koolau Ranch », devrait coûter plus de 250 millions d’euros. L’abri de 464 m2, protégé par une porte blindée et un système de vidéosurveillance hors norme, est capable de se fournir lui-même en électricité ainsi qu’en eau grâce à une gigantesque citerne. Une ferme biologique de 27 hectares lui est associée pour pouvoir vivre en autarcie. Au bord du Pacifique, le milliardaire attend la fin du monde en écoutant le bruit des vagues.

À une dizaine de milliers de kilomètres de là, en Nouvelle-Zélande, l’engouement des ultrariches est tel que les autorités sont débordées. Elles ont créé un visa spécial pour les grandes fortunes qui souhaitent s’y implanter. Le visa Investor Plus exige un investissement minimum de 6,7 millions de dollars (6,2 millions d’euros) sur trois ans. Peter Thiel, le cofondateur milliardaire de Paypal, a obtenu la nationalité néo-zélandaise après n’avoir passé que douze jours dans le pays. De nombreuses villas se sont construites sur des terrains en pleine nature, avec des pistes d’atterrissage et des fermes.

Le milliardaire Julian Robertson est propriétaire d’un manoir surplombant le lac Wakapitu. Le président de Fidelity National Financial Inc. Bill Foley possède une propriété dans la région de Wairarapa. James Cameron, le réalisateur de Titanic, a acheté un immense manoir qui domine le lac Pounui.

L’attrait pour cette île s’explique par sa stabilité politique et son éloignement géographique. Pour la rejoindre en cas de crise, cinq dirigeants d’entreprises de la Silicon Valley possèdent un énorme jet privé caché dans un hangar du Nevada. L’avion est prêt à décoller à n’importe quel moment avec leur famille (et celle du pilote !). Son prix est estimé à 61 millions de dollars (56,2 millions d’euros) et sa maintenance à un million de dollars par an, selon [le média Bloomberg](https://www.bloomberg.com/features/2018-rich-new-zealand-doomsday-preppers/?leadSource=uverify wall).

« Accaparement de la terre par les ultrariches »

Les journalistes racontent aussi comment des bunkers de survie de 150 tonnes sont construits en secret au Texas avant d’être acheminés par bateau jusqu’à la Nouvelle-Zélande. Ils y sont enfouis à trois mètres de profondeur, loin des regards et avec la complicité de la douane.

Pour le chercheur en sciences politiques, Édouard Morena, on assiste à une nouvelle forme d’« accaparement de la terre par les ultrariches ». En Écosse, 67 % des terres rurales écossaises appartiennent à 0,0025 % de la population. « Les ultrariches investissent dans de grandes propriétés pour cultiver l’entre-soi et se préserver du reste de la planète mais aussi parce qu’ils estiment que dans un futur proche, ces terres constitueront une formidable richesse », dit-il à Reporterre.

Premiers propriétaires terriens d’Argentine

En Patagonie, la situation est frappante. Ted Turner, le boss de la chaîne de la télévision CNN, s’est offert 5 000 hectares ; Amalita Lacroze de Fortabat, « la reine du ciment » s’est construit une villa en face du lac Nahuel Huapi et a embauché des hommes de main pour bloquer l’accès aux habitants locaux. La pampa s’est hérissée de barbelés.

Le milliardaire Joe Lewis, qui a fait fortune dans les Hard Rock Cafe, a racheté une superficie grande comme Paris et a même détourné le cours d’une rivière. À quelques kilomètres de là, Sylvester Stallone s’est offert un lac et 14 000 hectares à proximité d’El Bolson. George Soros a, quant à lui, acheté un domaine de 350 000 hectares et a même été le premier propriétaire terrien argentin avant d’être détrôné par la famille Benetton qui possèdent aujourd’hui 900 000 hectares du côté d’Esquel.

« Les ultrariches rêvent d’être seuls »

« Les ultrariches rêvent d’être seuls et de se réfugier dans leur château. » Dans un best-seller non traduit, intitulé La survie des plus riches, les fantasmes d’évasion des millionnaires de la tech (notre traduction) l’intellectuel Douglas Rushkoff analyse l’attrait des milliardaires pour l’effondrement. Il raconte dans le Guardian sa rencontre lunaire avec cinq milliardaires technophiles qui lui expliquent leur plan pour faire face à « l’événement » — l’euphémisme qu’ils utilisent pour parler de la crise climatique.

Invité à donner une conférence sur les nouvelles technologies, il se retrouve à répondre à une myriade de questions des milliardaires : combien de temps faut-il prévoir pour survivre sans aide extérieure ? Un abri doit-il avoir sa propre alimentation en air ? Quelle est la probabilité de contamination des eaux souterraines ? Le PDG d’une maison de courtage qui vient de terminer la construction d’un bunker souterrain lui demande aussi comment maintenir l’autorité sur sa force de sécurité.

L’intellectuel, déboussolé, tente de les raisonner et de leur dire de ne pas investir uniquement dans « des munitions » ou « des clôtures électriques ». Mais les milliardaires s’entêtent. Ils envisagent d’utiliser des serrures à combinaison spéciale pour l’approvisionnement en nourriture qu’ils seraient les seuls à connaître. Ou de faire porter aux gardes une sorte de collier disciplinaire en échange de leur survie. Ou encore de construire des robots qui serviraient de gardien et de travailleurs — si cette technologie pouvait être développée « à temps ».

Un tournant libertarien

Pour Douglas Rushkoff, « leur extrême richesse et leurs privilèges les ont rendus obsédés par l’idée de s’isoler du danger réel, écrit-il. Ils veulent s’échapper d’un monde qu’ils ont rendu invivable. »

Ce rêve d’évasion est assez inédit dans l’histoire, même si pendant la guerre froide, les riches se construisaient déjà des bunkers pour survivre à un hiver nucléaire. Dans une interview à L’Obs, le philosophe Bruno Latour estimait que la bascule a eu lieu dans les années 1980 et 1990. C’est à partir de ce moment que les riches auraient suivi « un processus de radicalisation solitaire ».

En 1997, au sein de la Silicon Valley, un manifeste technolibertaire est sur toutes les lèvres : The Sovereign Individual : How to Survive and Thrive During the Collapse of the Welfare State (éd. Simon & Schuster), que l’on peut traduire par L’individu souverain : comment survivre et prospérer durant l’effondrement de l’État-providence, de James Dale Davidson et William Rees-Mogg. Il prédit que la faillite de l’État-nation est inéluctable et que seule une « aristocratie » et « une élite cognitive » survivra. Pour les auteurs, « le développement technologique est devenu moins une histoire d’épanouissement collectif que de survie personnelle ». Le progrès pour tous n’est plus à atteindre. Le projet est de bâtir une forteresse pour une minorité de riches.

« Les membres les plus astucieux des classes dominantes ont alors compris que la globalisation n’était pas soutenable écologiquement, raconte Bruno Latour. Au lieu de changer de modèle économique, ils ont décidé de renoncer à l’idée d’un monde commun. » Autrement dit, « la classe dominante s’est immunisée contre la question écologique en se coupant du monde ».

Si elle a si facilement adhéré aux thèses de l’effondrement, c’est aussi parce que cette idée ne la menaçait pas directement. « L’effondrement est une façon de contourner une critique frontale du capitalisme et des rapports de classe, elle ne cible pas en priorité les riches mais nous invite à tous changer d’attitudes et de pratiques », estime le chercheur Edouard Morena. D’où sa popularité dans les hautes sphères.

L’ère du « misanthropocène »

L’idéologie séparatiste n’a cessé, depuis, de croître. Le sociologue Nicolaj Schultz parle même de « misanthropocène » pour évoquer notre époque. « Les maîtres du monde se préparent à nous abandonner comme des miettes sur une assiette », écrit-il.

On retrouve cette idée d’exode poussée à son paroxysme dans les fantasmes extraplanétaires d’un Elon Musk ou d’un Jeff Bezos qui rêvent de « terratransformer » Mars ou de bâtir des colonies géantes flottant dans le système solaire.

Puisqu’il n’est, pour l’instant, pas très sympathique de vivre dans l’espace, les ultrariches passent de « la planète B » au « plan B ». À défaut de pouvoir coloniser Mars, Mercure ou la Lune, ils s’assurent de posséder sur cette planète un luxueux refuge-bunker résistant aux aléas climatiques. Après moi, le déluge.

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January 19, 2024 at 9:04:59 PM GMT+1

Arthur Keller : « Notre civilisation convertit la nature en déchets »https://lareleveetlapeste.fr/arthur-keller-notre-civilisation-est-une-machine-qui-convertit-la-nature-en-dechets/

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Arthur Keller : « Notre civilisation est une machine qui convertit la nature en déchets »

"On nous persuade que le bonheur découlerait d’une somme de petits plaisirs et que le plaisir proviendrait de la consommation et de l’accumulation, alors qu’il n’est pas de vrai bonheur sans la fierté de se battre pour les valeurs qu’on sait bonnes et sans la sagesse de l’autolimitation."

Texte: Laurie Debove

Arthur Keller est un spécialiste des risques systémiques qui pèsent sur les sociétés humaines, des vulnérabilités de ces dernières face à ces risques, et des stratégies de transformation collective, dans une optique de résilience. Alors que l’humanité dépasse de plus en plus de limites planétaires, nous l’avons interrogé pour savoir comment transformer nos sociétés afin qu’elles deviennent plus justes et pérennes.

Pour Arthur Keller, notre planète est atteinte d’un cancer généralisé

Arthur Keller : « J’utilise souvent une analogie que j’ai développée pour illustrer l’erreur méthodologique fondamentale que nous commettons dans notre approche générale des enjeux liés au dépassement écologique planétaire : la métaphore du cancer généralisé. C’est un dérèglement systémique du corps, qui se traduit en de multiples symptômes : maux de tête, problèmes de peau et de digestion, par exemple. Pour chacun de ces symptômes, il existe des remèdes, ça peut être de l’ibuprofène, une pommade, un antispasmodique. Pourtant, la somme de ces « solutions » ne guérit pas la maladie.

Pour chaque crise, des experts préconisent des solutions, et l’on s’imagine que la somme de ces solutions pourrait nous sauver. Hélas le compartimentage en champs d’expertise masque la réalité de la maladie : notre civilisation est une machine qui convertit la nature en déchets.

Ces derniers sont solides, liquides ou gazeux ; parmi les gaz, certains détraquent le climat. Le changement climatique, à l’instar des autres crises, n’est qu’un symptôme de la maladie. Et notre obstination à nous attaquer aux conséquences sans remettre en question les causes explique selon moi notre échec constaté jusqu’ici.

LR&LP : Selon une étude publiée le 31 mai dans la revue Nature, sept des huit limites assurant la stabilité et la bonne santé du système planétaire ont déjà été dépassées. Quelles sont-elles ?

Arthur Keller : Cette étude est intéressante parce qu’elle porte sur le système dynamique complexe qui est constitué du système Terre (lithosphère, cryosphère, atmosphère, biosphère et pédosphère) et de l’anthroposphère (la sphère englobant l’humanité, ses sociétés et ses activités). Dans le cadre des limites planétaires, on n’était que sur le système Terre ; ici l’on incorpore les sciences humaines et sociales, comme dans le concept d’économie du donut de Kate Raworth.

En 2009, une équipe internationale de scientifiques a déterminé 9 seuils à ne pas dépasser pour préserver une planète Terre habitable pour l’humanité. Le seuil de stabilité de la machine climatique a été dépassé, nous sommes donc entrés dans une phase transitoire entre un état climatique stable et un autre, qui n’adviendra probablement pas avant plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’années en raison notamment de la cinétique propre à la cryosphère. Jusqu’à nouvel ordre, nous allons donc devoir faire avec un climat fortement instable.

Par ailleurs, une nouvelle extinction de masse est enclenchée, due aux activités humaines, activités agricoles et forestières au premier plan. Les pollutions sont rejetées dans les milieux naturels si vite qu’elles s’accumulent et rendent les habitats naturels toxiques. Les cycles biogéochimiques, grands cycles du vivant, sont déréglés, notamment le phosphore et l’azote, ainsi que le cycle de l’eau.

Une autre limite est proche : celle qui concerne l’acidification des océans. Quant à la limite liée aux aérosols dans l’atmosphère, nous sommes encore en deçà du seuil fatidique. La dernière actuellement identifiée a trait au trou dans la couche d’ozone : c’est l’unique domaine dans lequel la situation progresse dans la bonne direction. Au final, l’humanité a d’ores et déjà franchi 6 des 9 limites qu’il ne faut pas franchir, selon les scientifiques, afin de garantir l’habitabilité de la Terre.

Dans l‘étude parue fin mai, il ne s’agit pas tout à fait des mêmes 9 limites mais d’un sous-ensemble. Ces 8 limites-là, définies comme « sûres et justes », intègrent à la fois des données scientifiques et des métriques sociales. Et ce que dit la publication, c’est que 7 de ces 8 limites ont déjà été dépassées.

Même sans alarmisme, la situation est alarmante.

LR&LP : Certains appellent à « Changer de civilisation », est-ce possible et la solution ?\

Arthur Keller : C’est indispensable ! Hélas ce n’est pas pour cela que c’est possible. Je ne crois malheureusement pas une seconde à notre capacité collective à organiser la métamorphose nécessaire. Le système s’auto-entretient, je suis convaincu qu’il le fera jusqu’à s’autodétruire, entraînant avec lui une grande partie de la biosphère.

On ne peut pas durablement prélever plus de ressources que ce que le système Terre peut produire, de même on ne peut continuer de détruire plus vite que la capacité d’autoréparation. C’est pour cela qu’on va vivre, dans les prochaines années et décennies, une grande descente énergétique et matérielle agrémentée de raréfactions et de pénuries conflictogènes.

Cette descente induira forcément une contraction économique, car la croissance de l’économie est fortement corrélée aux flux d’énergie et de matières premières. C’est inéluctable. Et échouer à planifier et piloter cette contraction sous forme de politiques de décroissance nous condamnera à la subir dans le chaos sous la forme d’un délitement socio-économique désastreux et potentiellement permanent. Bien avant 2050.

Il n’existe aucun moyen d’opérer un découplage absolu entre le Produit Intérieur Brut et la pression anthropique globale – ceux qui prétendent le contraire n’ont pas saisi la systémique des enjeux ou sont des lobbyistes au service d’une idéologie ou d’intérêts financiers. Dans tous les cas, leurs propos sont en déphasage avec les données et les connaissances scientifiques.

Il faudrait donc, en effet, changer en profondeur les règles de l’économie mondiale et nos modèles de sociétés, mais le système repose sur des ordres établis si solidement ancrés qu’il n’est pas possible, j’en ai peur, de le changer véritablement.

On peut en limiter la nocivité par la voie de la mobilisation politique et citoyenne, par la révolte et la Résistance (sous le radar ou frontales) : l’idéal serait que les diverses modalités de lutte et les différentes radicalités se comprennent comme des alliées mutuelles et se synergisent enfin.

En parallèle, il faut poser les fondations d’un système alternatif, même si l’on ne dispose pas de tous les moyens qu’il faudrait : à travers des expérimentations et des démonstrateurs territoriaux, il est temps de prouver et de faire savoir, via des récits inspirants, qu’il existe d’autres façons d’organiser les économies locales, de prendre les décisions collectivement, d’assurer aux gens un minimum vital, de développer des activités régénératives, de travailler sur le découplage entre qualité de vie et quantité énergétique et matérielle, de réaménager des espaces pour un vivre-ensemble salubre.

Il est possible de redonner du sens, de nourrir une culture du risque, de la responsabilité et de la solidarité, de créer de la cohésion, d’insuffler la conviction d’une appartenance à une même communauté de destin.

Le grand système extrêmement puissant va se casser la gueule, le technosolutionnisme atteint ses limites, les « solutions » sur lesquelles nous misons l’avenir et les grands projets que les privilégiés persistent à nourrir (conquête spatiale, IA, impérialisme, etc.) vont également buter sur la descente énergétique et matérielle. Il faut anticiper des bascules sociétales et s’y préparer collectivement, en coopération intra- et inter-territoriales, intra- et inter-communautaires, sans tomber dans le piège de l’entre-soi.

Un changement de civilisation à travers les territoires

LR&LP : Comment préparer un territoire ?

Arthur Keller : Cela fait appel à des principes, leviers, outils que j’enseigne à des élus et agents territoriaux, ou à des citoyens dans le cadre de formations et d’ateliers. Même si à ce jour il n’existe pas, à ma connaissance, de collectivité pleinement résiliente, il existe tout de même des initiatives vraiment intéressantes, des démarches volontaristes qui vont dans le bon sens.

Qu’il s’agisse de collectifs participant au mouvement des Villes en transition, de certains oasis Colibris, de dynamiques territoriales comme le projet TERA, de monnaies locales et de systèmes d’échanges locaux, de réserves communales de sécurité civile, il se passe des choses intéressantes et inspirantes, on ne part pas de zéro et c’est rassurant !

Une partie de ces projets territoriaux s’attaquent à un point clé : comment produire l’essentiel de façon pérenne, en tenant compte des évolutions écologiques (climat, cycle de l’eau, biodiversité, etc.) et de possibles ruptures d’approvisionnement critiques, en ne comptant que sur ce dont on peut disposer dans un rayon géographique maîtrisable.

En matière de production alimentaire, on a la chance inouïe d’avoir des approches qui cochent toutes les cases : l’agroécologie, l’agroforesterie et la permaculture réunies, avec des pratiques sur sol vivant, ont le potentiel de nourrir le monde entier de façon saine, variée, nutritive et savoureuse tout en régénérant les écosystèmes.

Des monnaies locales et des circuits courts locaux sont aussi créés, reliant les acteurs et habitants des territoires. Des expérimentations sociales aussi, portant par exemple sur un revenu minimum d’existence ou un revenu minimum universel, sur une dotation inconditionnelle d’autonomie ou une sécurité sociale alimentaire comme à Montpellier et Strasbourg, sont en cours. Ainsi que de multiples initiatives de démocratie délibérative et participative…

Les gens peuvent et doivent se réapproprier la gestion des Communs. Les collectivités ont la capacité de garantir l’accès à tous au minimum vital : à Montpellier, les premiers mètres cubes d’eau sont désormais gratuits. Il serait intéressant d’étendre ce principe à tout ce qui est nécessaire pour vivre dignement.

La question des récits est en vogue et pour une bonne raison, car il n’y aura pas de massification des changements de comportements sans l’émergence de nouveaux imaginaires. Plus encore que des œuvres de fiction, il est capital de transposer les transformations concrètes réussies en récits vivides et inspirants afin d’alimenter une dynamique culturelle.

LR&LP : Les mentalités sont-elles prêtes pour expérimenter et mettre en place tout ça ?

Arthur Keller : La promesse de plus de confort et moins de travail proposée de longue date par les promoteurs de l’innovation technique n’a pas été tenue. Aujourd’hui, ce même système nous explique qu’il faut travailler toujours plus pour se maintenir sur place. Le « progrès » s’est mué en un marathon qui enrôle de force, assaillit de dissonances cognitives et aboutit en général à un sentiment amer d’inassouvissement.

Ceux qui proposent la semaine de 4 jours sont traités de fous, comme le furent avant eux les défenseurs de la journée de 12 heures, puis de 10, puis de 8, puis les partisans du repos dominical, puis ceux des congés payés – deux, trois, quatre puis cinq semaines ! – puis ceux de la semaine de 35 heures.

Chaque progrès social se heurte aux chantres du productivisme forcené.

Les robots, les objets connectés et l’IA nous envahissent mais ne s’accompagnent pas d’une libération puisque rien n’est entrepris pour que les gens puissent vivre bien sans emploi ; au contraire, les postures idiotes prolifèrent qui assimilent le non-emploi à de la fainéantise et le fainéant à un sous-citoyen qui ne mériterait pas la fraternité de l’État-providence.

Les habitants des pays riches sont saturés de choix de consommation qui leur sont présentés comme un summum de liberté alors que cette surenchère aliène en créant de l’addiction – c’est-à-dire une dépendance, l’exact opposé d’une liberté –, une insatiabilité croissante et de la frustration : plus t’en as, plus t’en veux… jusqu’à la perte de sens totale.

Cette course folle ne rend pas seulement fou mais aussi malheureux. Au-delà d’un certain niveau de vie, il y a un point de rebroussement du bonheur ressenti.

On nous persuade que le bonheur découlerait d’une somme de petits plaisirs et que le plaisir proviendrait de la consommation et de l’accumulation, alors qu’il n’est pas de vrai bonheur sans la fierté de se battre pour les valeurs qu’on sait bonnes et sans la sagesse de l’autolimitation.

Il me semble d’ailleurs primordial de réapprendre la notion de liberté : une somme d’individualismes sans limites ne débouche jamais sur une société libre mais sur une dystopie dans laquelle quelques riches peuvent tout et la majorité presque rien.

La liberté de chacun découle d’une géométrie démocratiquement négociée des droits et des devoirs : quand des limites énergétiques et matérielles, biophysiques et écologiques, s’imposent aux sociétés humaines, ne pas les retranscrire rationnellement en libertés et en interdits et ne pas les décliner en codes sociaux et culturels ne peut qu’entraîner la dislocation des sociétés.

Ceux qui refusent de nouvelles limitations par principe, sans s’intéresser aux bouleversements à l’œuvre dont découle l’impératif desdites limitations, n’œuvrent pas au nom de la liberté ainsi qu’ils le prétendent mais dans l’espoir égoïste de maintenir leurs privilèges. Le monde change vite ; si nous voulons préserver ce qui compte, il nous faut vite changer aussi. » conclut Arthur Keller

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December 3, 2023 at 5:41:07 PM GMT+1
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